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DRAMES PENDANT LES BATTAGES

Les battages d’autrefois, on l’a bien ressenti dans les pages qui précèdent, étaient une sorte de fête des moissons, l’apothéose d’une année de dur labeur. C’étaient aussi pour les hommes de rudes journées harassantes dans la chaleur, les poussières, le bruit, les tensions, les risques et parfois la fête  tournait au drame.

 Jean Bernereau raconte :

« Je me souviens, j’avais 4 ans1/2, c’était en 1924, mon père venait juste d’acheter sa première batteuse… L’entreprise BERNEREAU commençait à se faire une "campagne" (clientèle) et battait chez Avril au Chêne-Bertin ».

Ce mercredi 6 août 1924 toutes les entreprises de battage s’activaient sur le territoire de la commune. Pas très loin, chez Auguste Herbreteau à Villeneuve le père Bénéteau, charron sur la place du champ de foire (actuelle place du commerce), faisait tourner lui aussi son matériel, surveillant la loco noire, jetant un œil sur la vanneuse. On arrivait à la dernière charretée de gerbes Tout allait bien. La campagne bourdonnait du ronflement des machines, lorsque la quiétude du bourg fut brusquement troublée. Jean Bernereau reprend son récit : « Un homme à vélo descendait la route de la Roche (actuelle avenue du Moulin) à toute vitesse sonnant du clairon et lançant à la volée "le feu à la machine !, le feu à la machine !" J’étais avec ma mère chez René David, tailleur dans l’actuelle rue du centre. Voyant d’où venait l’homme à vélo, ma mère a tout de suite pensé au Chêne-Bertin. Effervescence dans le bourg, les hommes se mobilisent : "vite, il faut une voiture !". En face le boucher Octave Fonteneau possède un véhicule pour faire ses tournées. Ma mère me prend avec elle et monte : "en route et le plus vite possible". D’autres suivent à vélo ou à pied… La fumée se voit au lointain. »

Pourtant, arrivant au Chêne-Bertin, tout semble normal, trop calme même car la plupart des hommes sont partis à Villeneuve chez Herbreteau d’où montent flammes, paille enflammée et fumée, laquelle se voit jusqu’à la Chaize. On se dirige à Villeneuve au plus vite « et là j’ai vu le feu ! » continue Jean Bernereau. « Les pompiers avaient déjà organisé la chaîne avec leurs seaux en toile en puisant à "l’abrou" le plus proche pour alimenter la pompe à bras afin de préserver les hangars, les granges et l’habitation. »

  • La pompe à bras

    « Le feu avait pris dans la vanneuse : un palier chauffe, des étincelles, la paille prend feu, suit le monte paille, se déverse sur le pailler déjà haut de 7 à 8 mètres car le battage était presque terminé, il s’embrase d’un coup ». Affolement : le fils Herbreteau, Eugène, débride la courroie de la loco. « On présente aussitôt une grande échelle aux hommes du pailler qui se précipitent, l’un d’eux se serait cassé une jambe en sautant. Mais dans les flammes et la fumée on retire l’échelle trop vite… Il reste un homme sur le pailler ! »

    Sœur Agnès Guibert a confirmé à Jean Bernereau que sa grand-mère, présente sur les lieux, se souvenait du dernier homme sur le pailler : « C’était Louis Célestin Coutaud. Il se jette dans le vide et se brise le dos. »  Ce cultivateur de Villiers, âgé de 63 ans, est décédé chez lui 3 semaines plus tard, le 1er septembre 1924.

    « Tout fut réduit en cendres : machines, récoltes, réserve de paille. Mais la maison, le hangar, les écuries et la loco furent épargnés » conclut Jean Bernereau.

    D’autre témoignages furent recueillis auprès de Robert Pérocheau, Annette Bossard, Célestin herbreteau, Alice Guibert, Marie Reine Gilbert, Hélène Greleau née Coutaud et Marie Chauvet,.
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  •  Villeneuve

    Ainsi Célestin Herbreteau du foyer logement et sa sœur jumelle Alice Guibert de la Catin, petits-enfants d’Auguste Herbreteau, se souviennent de cet incendie. Ils avaient un peu plus de 4 ans. Evacués à l’autre bout du village, ils ont en mémoire le transport d’un blessé sur une civière.

    Marie-Reine Gilbert, née Remaud, se souvient très bien avoir vu les flammes de l’incendie du pailler de Villeneuve, de chez elle à Fremier. Elle avait 11 ans.

    A cette époque il n’y avait pas ou peu d’assurance. Bénéteau avait porté plainte contre le cultivateur Auguste Herbreteau. Il aurait gagné son procès. Mais, conseillé par un avocat de Luçon, M. Poissonneau, qui était un ancien propriétaire de la ferme de Villeneuve, Auguste Herbreteau fit appel et gagna définitivement le procès. En effet, l’entrepreneur Bénéteau faisait suivre son matériel par son fils dit "Massepain" parce qu’il avait par ailleurs un dépôt de pain place du champ de foire. Massepain avait la réputation de ne pas entretenir correctement le matériel : une usure anormale ou un frottement inhabituel aurait provoqué la catastrophe.

    En marge de cette histoire, on a découvert grâce à son petit-fils Célestin, qu’Auguste Herbreteau était un homme d’avant-garde, puisqu’il fut le 1er cultivateur de Bournezeau à prendre commande d’une moissonneuse-lieuse pendant la guerre 14-18, probablement en 1917 ou 1918. Et l’affaire prit du piquant lorsque sa voisine Mme Coutaud, dont le mari était parti à la guerre, apprenant la nouvelle, s’empressa de faire le même achat et fit en sorte que la 1ère moissonneuse-lieuse de Bournezeau soit livrée chez elle. La livraison chez Auguste Herbreteau eut lieu la même année mais un peu plus tard.

    Il y avait donc 2 moissonneuses-lieuses à Bournezeau, dans le même village en 1918.

    Celle d’Auguste Herbreteau a brûlé dans l’incendie de 1924 décrit ci-dessus.

    NB : L’article a été réalisé en collaboration avec Henri Rousseau qui a recueilli des témoignages et effectué des contrôles dans les registres d’état-civil en mairie

    Un autre accident de battage

    Au cours des battages, Louis Besson, 47 ans, s’est fait arracher une main en engrenant les gerbes de blé sur la vanneuse.

    L’accident a eu lieu en 1952 chez Paul Louineau dans l’aire de battage de la Miltière (actuel chemin de la Motte) avec le matériel de l’entreprise DELBARRE.

    Agnès Valeau, habitant également la Miltière, se souvient qu’on lui montrait les doigts récupérés à la sortie de la vanneuse.

       Quelque temps après, le bras de Louis Besson fut amputé un peu au-dessus du coude.

       Il décèdera 11 ans plus tard le 16 novembre 1963. Il était célibataire et habitait le bourg de Bournezeau.

    Ce fait divers a été écrit grâce aux témoignages de Denis Martineau, mécanicien du matériel de battage "Delbarre", Agnès Valeau, Jean Bernereau, René Charrier, Pierre Mercereau,  recueillis par Henri Rouseau.