LES LAVEUSES

Les premières machines à laver le linge sont apparues dans nos villages vers les années 1955-60. Avant, pour la lessive, l’eau qui venait du puits était froide. On la faisait chauffer dans un grand chaudron. Cette lessive se faisait en général dans une dépendance.

On "décrassait" d'abord le blanc avec du savon et une brosse, puis on le mettait à bouillir avec de la lessive, là encore dans le chaudron, et après on allait le rincer au lavoir, souvent  un trou d'eau, dans un pré. Pour faire le feu, beaucoup d'entre nous se servaient de “fournille” (fagots d’épines) ou bien de trognons de choux ramassés dans les champs et séchés.

Les femmes, pour la plupart, n'allaient pas travailler à l'extérieur. Elles élevaient leurs enfants (familles nombreuses en général). Cependant  les plus pauvres exerçaient le métier de laveuses. Elles partaient dès le matin en sabots de bois : les bottes n'existaient pas encore. Ce métier était dur, surtout l'hiver. Elles étaient nourries là où elles allaient, dans les maisons bourgeoises ou autres ״ grosses  maisons.״

J’ai le souvenir qu’une de ces femmes en profitait pour aller laver dans certaines maisons le jeudi, jour de repos des écoliers. Ainsi, elle pouvait y emmener deux de ses enfants en âge scolaire et ils étaient nourris eux aussi trois fois dans la journée.

Cette dernière se permettait aussi, au moment de son petit déjeuner, de se lever et d'attraper la bouteille de "goutte" pour en mettre dans sa tasse. Elle en versait dans la cuillère qui débordait pendant une conversation soi-disant très importante, de manière  à détourner l’attention de son auditoire. De plus, cette femme apportait chaque semaine, pour le laver avec les vêtements de la famille, le linge sale de son mari malade.

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  • Les laveuses au lavoir (à Chantonnay) et le lavoir de La Chaize-le-Vicomte

                Dans une ferme où elle allait, on lui donnait en plus de son salaire des sillons de mogettes et de pommes de terre. On lui menait sa récolte à domicile.

    On comprend que dans ces conditions  le lave-linge(1) ait été le bienvenu. A partir de ce moment, la laveuse s'en est partie.

    Une autre laveuse vivait avec sa fille qui était un peu simplette et faisait le même métier.

    Elles habitaient dans un taudis : une seule pièce avec le sol en terre battue et aucun confort. Chaque matin, la mère attendait que ses voisins aient allumé leur feu dans la cheminée pour aller y chercher une pelle de braises pour allumer le sien, afin d'économiser une allumette. Elle prenait les   braises avec sa main... pour les mettre dans sa pelle. La petite fille du voisin a voulu  essayer : On peut se douter du résultat !

  • dessin d'André Seguin avec l'aide de Jean Bernereau
    1 - Ancienne gendarmerie
    2 -Puits du Bas Bourg en cours de restauration
    3 - Buanderie des gendarmes
    4 - Lavoir démoli en 1960
    5 - Maison du forgeron Libaud (à l’emplacement de la maison Meunier)
    6 -Trottoir de la route de LaRoche
    7 - Lavoir
    8 - Muret qui existe toujours

    Une autre laveuse, veuve d’un ivrogne, partait tous les matins en même temps que ses enfants (quatre) sur la route de l'école. Les pauvres garçons portaient une “musette” sur le dos avec bien peu de choses dedans  pour manger à midi.

  • La berouette, le gard’genoïe et le battour
    La brouette, le garde genoux  et le battoir.

    Plus tard, seule avec sa dernière fille, elle lisait le soir tandis que l'écolière apprenait ses leçons, toutes deux assises au coin du feu et s'éclairant à la lueur de deux bouts de bois. Là   aussi, par économie, pour ne pas utiliser la lampe à pétrole.

    Dans une ferme où vivaient 12 personnes, pour aller au lavoir, les jours de lessive, la mère de famille laissait ses petites filles en garde à leur grand-mère. Elle devait emmener avec elle le plus turbulent de ses garçons, rouler son linge et le garde genoux dans la brouette, apporter également une petite marmite d’eau chaude pour dégeler le linge, traverser un pré plein de trous et de bosses…Et en plus, elle portait un enfant à naître.

    Lorsque le froid était intense les laveuses, devaient quelquefois casser la glace de ce lavoir(2) avant de travailler ! Les mains étaient souvent engourdies par l’eau  glacée  et les gants de caoutchouc n'étaient pas encore inventés. Au retour on étendait le linge sur un buisson, mais quelquefois il était  gelé dans la brouette.

    Pour repasser, on faisait chauffer une “plaque” devant le feu ou bien on se servait d’un fer à repasser que l'on remplissait de braise.

     Cette maman a été l'une des premières de la commune à acheter une machine à laver : une grosse machine de buanderie pouvant laver six kilos à la fois et qui a duré très longtemps.

    Dans la plupart des bourgs il y avait des grands lavoirs communaux, souvent couverts, où se retrouvaient les lavandières.

    Ces dernières avaient la réputation de ne pas laver seulement leur linge, mais aussi le “linge sale des autres” et les cancans allaient bon train. Tout le monde y passait. La calomnie et la médisance frappaient les familles en même temps que les coups de battoirs s’abattaient sur le linge.

    Avec l'arrivée des machines à laver le linge, le rinçage au lavoir prit fin. Mais pour les cancans, cela est moins sûr.

    Texte Annette Bossard
    mis en forme par André Seguin

    (1) En  France le lave linge a été mis au point et  diffusé dans sa version populaire par un vendéen de la Roche-sur-Yon  Jean  Esswein, à partir des années  ״1950״. Un grand progrès pour le confort de la femme. La corvée du lavage manuel prit alors  fin vers les années 1965.

    (2) C’était en réalité un ״abrou״ et là l’on rinçait le linge, les vaches venaient aussi boire.