L’histoire de Jean Grolleau
un des 50 otages fusillés à Nantes

Jean Grolleau est né à Bournezeau le 9 septembre 1920. Ses parents sont nés tous les deux à Bournezeau en 1892 et ils se sont mariés dans cette commune le 9 novembre 1919.

Le père de Jean, qui s’appelait Georges, était, comme le grand-père, tonnelier au moment de son mariage.

La mère de Jean se nommait Henriette Bénéteau ; elle était couturière au moment de son mariage.

Son grand père, Narcisse Bénéteau, exerçait le métier de Charron, mais il était aussi entrepreneur de battage.

Ses deux grand-mères, Victorine Couturier et Léonie Margat, étaient sans profession.

Ses quatre grands-parents vivaient tous dans notre commune.

Jean Grolleau faisait donc partie d’une famille bien intégrée à Bournezeau depuis au moins deux générations

Jean a eu deux frères, Georges né le 10 avril 1923 et André né le 18 mai 1925, tous les deux nés à Bournezeau.

Georges était père de deux enfants. Il est décédé et inhumé en Amérique du Sud près de son épouse.

André s’est marié avec Madeleine Auger le 27 septembre 1947 à St Pierre des Corps. Il est décédé à Tours le 20 août 1997.

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Maison de la famille Grolleau
Au lieu dit La Tête noire
(Tête noire encastrée dans le haut du mur)

Au moment de la naissance de ses enfants, (1820-1825) le père de Jean Grolleau était devenu négociant en grains et engrais. Il aurait conservé cette activité au moins jusqu’en 1937 et peut-être même jusqu'à son départ pour Nantes en 1938 ou 1939. Selon des témoignages, il travaillait aussi à la laiterie de L’Oizelière pour la fabrication du beurre. Il avait donc deux activités  professionnelles.

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Logement des époux Grolleau

A l’époque les époux Grolleau occupaient deux logements, le n°19 et le n° 21 de l’actuelle rue Jean Grolleau.

Selon une revue de l’école St-Gabriel de St-Laurent-sur-Sèvre, où Jean était élève, la mère tenait un café-tabac.

Mais pour Clémence Laurent, elle tenait plutôt un café restaurant, car elle se souvient de son repas de noces en 1934 où ils étaient une quarantaine de convives, lors de son mariage avec Gaston Laurent.

Des ouvriers de la laiterie de l’Oizelière y mangeaient aussi régulièrement.

Selon Clémence Laurent cette famille avait une bonne réputation à Bournezeau.

Les époux Grolleau étaient propriétaires de leur maison. Ils sont partis à Sainte-Luce, près de Nantes, en 1938 ou début 1939.

Ensuite la maison a été louée aux familles Thomas, puis Fillon. La maison n°21 a été vendue aux époux Laurent en 1954.

Le n°19 a été, dans un premier temps, loué pendant quelques années à M. Bocquier, coiffeur, puis vendu à Mme Boisseleau Thérèse vers 1958.

Jean a fréquenté l’école primaire de l’école privée de Bournezeau. M. Braud, directeur, a gardé un excellent souvenir de cet élève qu’il qualifiait de studieux et plutôt brillant.

Jean entra à l’école de St-Gabriel, à St-Laurent-sur-Sèvre, en 1933, pour en sortir en 1939. Il a obtenu le brevet élémentaire et les deux parties du bac.

Ensuite il continua ses études supérieures à L’I.P.O. de Nantes pour préparer le concours d’entrée aux Ponts et Chaussées.

L’arrivée de Jean Grolleau, à L’I.P.O. de Nantes correspondait moment où la France et la Grande Bretagne ont déclaré la guerre à l’Allemagne, c'est-à-dire le 3 septembre 1939.

Après la débâcle, la France fut envahie. Nantes était dans la zone occupée et les Allemands s’y installèrent le 19 juin 1940.

De suite, avec d’autres étudiants, Jean Grolleau entra dans la résistance. Il faisait partie du groupe  Marcel Évin baptisé "Attila". Au début l’objectif était de venir en aide aux personnes désireuses de rejoindre la Grande Bretagne en leur procurant des faux papiers. Puis, plus tard, les missions se sont diversifiées.

Le 11 novembre 1940, de jeunes étudiants décidèrent, malgré l’interdiction des Allemands, de mettre en route une manifestation pour honorer les soldats de la guerre 14/18. Dans la foulée, d’autres étudiants ont adhéré au groupe Évin

Jean Grolleau participa activement à la diffusion de tracts et de journaux clandestins tels que"En captivité". Il a préparé aussi l’évasion d’un soldat Anglais blessé. Toutes ces actions conduisirent à beaucoup d’arrestations.

Selon l’ouvrage "Mémoire d’une ville Nantes Les 50 otages", le 12 mai 1941, Jean Grolleau fut arrêté avec plusieurs camarades. Il fut conduit dans la prison allemande Lafayette.

Selon d’autres sources, il aurait été emprisonné en avril plutôt qu’en mai. C’est d’ailleurs, ce que dit Jean Grolleau dans la lettre à ses parents écrite le 22 octobre, le jour de sa mort, où il dit qu’il était ici depuis 6 mois, ce qui correspond bien à avril.

Le 8 août 1941, le tribunal militaire se pencha sur le cas de 9 personnes, dont Jean Grolleau. Ils étaient accusés d’atteinte à la sécurité de l’Etat. Faute de preuves, le tribunal prononça l’acquittement de certains.

Jean Grolleau, lui, écopa de 15 jours de prison et deux autres personnes furent condamnées, l’une à 6 semaines et l’autre à 4 mois de prison. Mais le président du tribunal décida, cependant, le maintien en détention  de tous les prisonniers.

Le 10 septembre, tous les prisonniers de la prison Lafayette côté allemand passèrent du côté français. Les familles pouvaient ainsi les voir plus régulièrement.

Pour des raisons inconnues, avec d’autres, Jean Grolleau fut maintenu en prison. Il espérait sortir vers fin octobre, mais l’assassinat du Lieutenant Colonel Hotz, qui a eu lieu à Nantes le 20 octobre 1941, modifia toutes les données.

A l’annonce de cette nouvelle, Hitler ordonna l’exécution immédiate de 50 otages, et si les auteurs de cet attentat ne se faisaient pas connaître dans un délai de 48 heures, 50 autres otages devaient être exécutés.

Toutes les autorités françaises de la ville étaient en émoi, et recherchaient activement  les auteurs de cet attentat, pour éviter la mort de cinquante autres personnes.

Un dialogue s’instaura entre les autorités allemandes et françaises pour savoir quels otages choisir, sachant que toutes les personnes emprisonnées étaient considérées comme otages.

Le gouvernement de Vichy proposa  de prendre les otages parmi les communistes, mais les autorités Allemandes s’y opposèrent. Ils voulaient que la sanction ait un impact sur toutes les couches de la société.

Ils préféraient éxécuter des hommes aux opinions politiques variées, afin que les communistes ne soient pas les seuls à craindre les représailles.

Ils choisirent d’exécuter des otages de droite et de gauche, des jeunes et moins jeunes, (du plus jeune Guy Mocquet 17 ans, à Henri Barthélémy 58 ans) des ouvriers comme des cadres, des étudiants, des gaullistes, des socialistes, des communistes, 

des syndicalistes, des hommes politiques, des anciens combattants et des chrétiens comme Jean Grolleau.

Dans l’immédiat, la décision d’Hitler fut sans appel : 50 otages devaient être fusillés rapidement.

Les otages furent choisis dans plusieurs lieux : 27 venaient du camp de Choisel de Chateaubriand, 5 de Paris (résistants Nantais emprisonnés à Paris) et 16 de Nantes dont 3 de la prison des Rochettes et 13 de la prison Lafayette, où était Jean Grolleau.

Les 50 otages n’étaient en fait que 48, car 2 ont échappé à la mort, Fernand Ridel et M. Dauguet.

Devant la bonne volonté des autorités nantaises dans la recherche des assassins du Colonel Hotz, l’autorité allemande repoussa l’échéance de l’exécution des 50 autres otages au 27 octobre, puis finalement, un peu plus tard, elle l’annula.

Le 22 octobre 1941, l’abbé Fontaine, aumônier, fut chargé d’informer les 13 otages de la prison Lafayette, qu’ils avaient deux heures pour rédiger une lettre à leur famille et leur adresser leurs commissions et leurs recommandations. L’abbé échangea avec les prisonniers, qui ensuite furent enchaînés. Un officier Allemand refusant au prêtre le droit de les accompagner jusqu’à leur destination finale, Jean Grolleau eut juste le temps de lui dire : « Notre mort servira à la France ».

Les 27 otages du camp de Choisel ont été exécutés le 22 octobre 1941, dans la carrière de La Sablière à Chateaubriand, appelée depuis "La carrière des fusillés". Elle est devenue un haut lieu du Souvenir.

Les 5 otages de Paris ont été tués le 20 octobre 41, sur place, au Mont Valérien.

Les 16 de Nantes, dont faisait partie Jean Grolleau, ont été fusillés le 22 octobre 1941, au champ de tir de Bêle à Nantes.

Le lendemain matin, son frère Georges était dans le bus, lorsqu’il apprit la mort de Jean. Très en colère, il injuria des officiers Allemands qui se trouvaient là. Il fut arrêté et emprisonné. Il a fallu l’intervention de sa mère et d’une autorité locale pour qu’il soit libéré le soir même.

Les corps furent placés dans des cercueils de bois brut et transportés dans trois cimetières.

Aucun nom n’était porté sur les tombes, seulement un numéro, faisant référence à une liste dressée par les Allemands. Jean Grolleau portait le n° 43, il a été inhumé à Basse Goulaine.

Les corps ont été exhumés le 3 juin 1945, placés dans de nouveaux cercueils et ramenés dans la grande salle des Beaux–arts de Nantes pour des obsèques solennelles le 9 juin 1945.


Tombe de Jean Grolleau, au milieu des cinq premières

avec la plaque de la croix

Ensuite les corps ont été inhumés dans le cimetière de leur famille. Celui de Jean Grolleau a été inhumé dans le cimetière de La Chauvinière, au nord de Nantes.ci-dessus)

Le 11 novembre 1991, la commune de Bournezeau a commémoré le 50ème anniversaire de la mort de Jean Grolleau, fusillé à Nantes le 22 octobre 1941. Une plaque (ci-dessus) fut apposée sur le mur de la maison natale de Jean Grolleau.

Henri Rousseau

Lettre adressée par Jean GROLLEAU
à ses parents quelques heures avant sa mort

(1) - Il s’agit de ses deux frères.
(2) - Gustave Pavageau,(1933 / 1946).
Sources : Archives de la paroisse
- Les registres de l’état-civil de la mairie.
Selon l’ouvrage "Mémoire d’une ville Nantes Les 50 otages";Dominique Blayet et Etienne Gasche
D'après les témoignages de : Clémence Laurent,  Marie Chauvet, Jean et Germaine Bernereau, Marie-Jo et Suzy Arrignon.