Y avait-il autrefois un château féodal à Bournezeau ? La question
peut se poser. En effet, pour un promeneur déambulant dans les rues de
notre commune, rien ne trahit visuellement l’existence d’un tel édifice,
ni ruine, ni gravure ancienne. Et pourtant il y avait bien un château
féodal. Dans les années 1860, l’abbé
Où se situait-il ? Le cadastre napoléonien de 1825 nous aide à le
localiser. Il se trouvait en face de la salle des Halles, sur la propriété
actuelle de monsieur
Quelques documents d’archives permettent d’exhumer son histoire car n’oublions pas que Bournezeau était depuis le Moyen-Âge une seigneurie importante qui dépendait de la Vicomté de Thouars. Elle englobait la totalité des Pineaux, de Saint-Ouen-des-Gâts, de Saint-Vincent-Fort-du-Lay et de Puymaufrais, sans compter d’autres terres dans les paroisses suivantes : Bellenoue, Saint-Valérien, Saint-Philbert-de-Pont-Charrault, Saint-Laurent-de-la-Salle, Saint-Florent-des-Bois, Thorigny, Lairoux, Château-Fromage, Saint-Germain-le-Prinçay.
Les seigneurs de la baronnie de Bournezeau avaient le droit de haute justice sur l’ensemble de ce territoire, c’est-à-dire qu’ils avaient le pouvoir de condamner à mort un justiciable. Il y avait audience tous les mardis de chaque semaine.
La justice était exercée par un juge, un procureur fiscal et un greffier. Peut-être ces audiences avaient-elles lieu dans le château, symbole du pouvoir et de l’autorité du seigneur.
Les premiers seigneurs connus de Bournezeau appartenaient à la famille
En 1420, le château de Bournezeau recevait un “invité” prestigieux :
le duc de Bretagne, Jean V
A l’origine il s’agissait d’un conflit entre deux familles qui prétendaient à la couronne ducale de Bretagne.
D’un côté, Marguerite
D’un autre côté, la famille
N’ayant pas renoncé au duché de Bretagne, Marguerite
La femme de Jean V, Jeanne
La seigneurie de Bournezeau fut alors confisquée au profit de Richard.
A la suite de cet épisode, une garnison de Bretons s’est installée dans
le château. Dans les années 1430, des conflits opposèrent différents
seigneurs du Bas-Poitou. Ainsi Jean
![]() Armoiries de Guy |
![]() Armoiries de Louis |
Ce Jean
Au XVIème siècle Bournezeau est secouée par de nouveaux troubles nés du progrès du protestantisme dans l’ouest du royaume.
En 1559 Charlotte
(…) en l’église et paroisse de Bournezeau, située au-dedans du château, ayant le seigneur dudit lieu fait fermer et maçonner la grande et 1ère entrée de ladite église, de sorte qu’il n’est pas possible d’y entrer sinon par le dedans de la cour du logis du seigneur, lequel fait profession de la religion prétendue réformée. Outre, fait servir ce corps de l’église d’une grange, laquelle est toute garnie de foin et paille et le ballet de ladite église d’étable à chevaux (…) »
Sous la protection du seigneur, un pasteur devait probablement prêcher dans la paroisse.
Mais voilà que Charles
D’après Louis
Un an plus tard, une troupe protestante venant de la Rochelle, Niort et
Fontenay, profita de l’absence de
La tradition locale affirme que la prison existe toujours. Il s’agit du bâtiment qui sert de garage à M. et Mme Bernereau, près des toilettes publiques de l’église.
En août 1588, Henri
Il y écrivit de sa main cette lettre.
"M.de la Roussière , Je vyens darryver an ce lyeu pour aller secouryr les nostres quy sont asyégés à Montegut. Je vous prye de [me venir trouver] demeyn à mydy a Saynt Fulgean avec vos [amis] et d’amener avec vous vos frères. Il faut [faire] dylygence et ne perdre ceste ocasyon. De Bournevau ce mercredy à troys heures après mydy Xe aoust.
Vostre plus assuré amy. Henry.
Il fut rejoint à Bournezeau par la compagnie de gendarmes commandée par La Boulaye et par une compagnie d’arquebusiers à cheval.
Un climat de guerre civile a donc régné dans la région pendant plusieurs décennies. Le château de Bournezeau a été tantôt occupé par les catholiques, tantôt par les protestants. La paix ne revint qu’en 1598 avec l’édit de Nantes qui reconnaissait le culte protestant.
En 1622 de nouveaux affrontements opposèrent les catholiques et les protestants. Le roi Louis XIII et son ministre Richelieu, craignant de la part de ces derniers la constitution d’un état dans l’état, décidèrent de mettre un terme à la guerre en occupant militairement notre région du Bas-Poitou qui regroupait encore de nombreux huguenots.
Aussi, en mars 1622, l’armée sous les ordres du comte
Quoiqu’il en soit, les habitants s’en plaignirent au duc
« Aujourd’hui 24ème jour du mois de mars 1622, ce requérant les procureur fiscal de la baronnie de Bournezeau et procureur syndic de la paroisse d’icelui Bournezeau (…) sur ce qu’ils nous ont remontré que, au logement au bourg et château dudit Bournezeau de l’armée de M. le comtede la Rochefoucault , gouverneur du Poitou, plusieurs ruines de maisons et agats infinis avaient été commis et perpétrés par les gens de guerre dudit sieur comte, nous nous sommes transportés (…) :
Premièrement au château dudit lieu,(…) que la compagnie des gardes dudit sieur comte avait été mise audit château et les officiers de l’artillerie, avec tout leur train et attirail de ladite artillerie, qui faisaient en nombre plus de 150 chevaux ; lesquels officiers et suite de ladite artillerie firent consumer tous les foins et pailles dudit fermier, brûler et consumer tout le gros et menu bois d’icelui et grande quantité de bois de charpente qui était audit château, pris et consumé les vins, bleds et autres provisions dudit fermier, ensemble la plus grande part de ses avoines de rentes, que les gens dudit sieur comte emportèrent et firent emmener à discrétion, en présence de plusieurs chefs de ladite armée.
Et delà nous sommes transportés au jardin dudit château, auquel avons trouvé grand nombre d’arbres coupés de hauteur de genou, et en icelui jardin plusieurs endroits auxquels avaient été faits plusieurs feux par lesdits soldats de ladite armée, qui brûlèrent tous les pieux et palisses de l’enceinte d’icelui jardin, en sorte qu’il est maintenant comme une campagne déserte et à l’abandon des bêtes et de toutes sortes d’animaux.
Et delà nous nous sommes transportés aux trois moulins tant à vent qu’à eau de ladite seigneurie, auxquels moulins ils ont fait brûler les portes, bois et gros madriers (…)
Nous a aussi requis ledit procureur-syndic de voir le piteux état auquel est à présent réduit le bourg dudit lieu, lesquelles ruines ont été pareilles et semblables en tous les autres endroits du bourg, à présent entièrement ruiné, désert et abandonné de la plus grande part desdits habitants qui ont voulu échapper à la furie et cruauté desdits gens de guerre, qui étaient en nombre de 4000 hommes de pied et 2000 chevaux, séjournant 5 journées lesquelles ils ont pillé et mis au sac tout ledit bourg et paroisse, en laquelle il n’y a demeuré ni foin, paille, ni bleds pour la nourriture du résidu du peuple, à présent contraint de mendier (…)
Allant de la Roche-sur-Yon à Sainte-Hermine, le roi Louis XIII passa à
cheval dans le bourg de Bournezeau peu de temps après ces destructions, le
21 avril 1622. Vit-il les ravages de l’armée de
La duchesse
C’est à cette époque que le château dévasté connut une phase de
reconstruction. Jean
Les façades de ce bâtiment sont ponctuées de nombreuses petites
ouvertures de forme romane et en granit. On y trouve de nombreux greniers,
une vaste grange et une salle remarquable dite “des gardes” qui a servi
d’écurie. Maurice
« Six grosses poutres sont soutenues par des croisillons arrondis reposant sur douze piliers hexagonaux en bois. Les sculptures de ces derniers prennent la même forme que des colonnes, avec piédestal, fût, moulures et chapiteau »
Vers 1640, la fille de Jean
Le
personnel du château aux ordres du seigneur de Bournezeau (fonctions trouvées dans les registres paroissiaux) |
||
CLERGEAU Jacques | Portier du château | 1690 |
BORDIER Jean | Greffier - Concierge au château | 1704 |
GAILLARD Jean | Receveur du château | 1705 |
GAILLARD Jean | Notaire royal - Fermier du château | 1782 |
Marie Suzanne Françoise
« Description de ce que nous tenons à notre domaine. Premièrement, notre chasteau, sis au bourg de Creil-Bournezeau, avec trois jardins en dépendans, y joignans, enclos de murailles et de fossés, au dedans duquel est notre église de notre paroisse de Creil-Bournezeau, consistant en un grand corps de logis, plusieurs chambres basses et hautes, cour, cave, cellier, grange, écuries, toits, fuyes, et contenant le tout douze boisselées ou environ, tenant d’une part au chemin qui conduit de notre bas bourg dudit Bournezeau à St-Hilaire-le-Vouhis, d’autre à notre allée qui conduit de notre chasteau à notre forêt, d’autre à notre estang et d’autre au chemin qui conduit à notre église et à notre estang ;
Item, nos halles dudit lieu de Bournezeau tenant d’une part audit chemin qui conduit de notre bas bourg dudit Bournezeau à St-Hilaire-le-Vouhis, d’autre à celui qui conduit de notre chasteau à la maison des Humeaux (…) ;
Item, notre four banal avec un emplacement où autrefois estaient nos halles, tenant d’une part aux fossés de notre chasteau, d’autre au chemin qui conduit de notre bas bourg aux Humeaux (…) »
Le 5 octobre 1781, Jean-Pierre
« (…) Je n’ai vu aucune réparation urgente sur les dépendances du château de Bournezeau, si ce n’est au four banal où il manque 2 pièces ou poutres, que je compte faire mettre aussitôt les vendanges. (…) Oui, Monsieur, il y a un château qui est très vaste et en assez mauvais état excepté les couvertures. (…) Le reste [du château] n’est point habité, il y a dans les chambres basses des matériaux qui sont destinés pour les réparations du château et dépendances comme lattes, plancher, soliveaux, etc. Les fermiers habitent un autre appartement séparé du château par une autre cour. Il y a au château un chartrier (…) »
Le chartrier était le lieu où étaient placées toutes les chartes qui dépendaient de la seigneurie de Bournezeau comme, par exemple, les titres de propriété, le montant des impôts…
Peu avant la Révolution de 1789, le château semble donc dans un état convenable puisque des réparations ont dû être réalisées. La guerre de Vendée va changer la donne.
La révolte vendéenne commença en mars 1793. Bournezeau était considérée
comme une situation intéressante. Une garnison vendéenne fut alors
placée dans le château comme l’indique cette lettre écrite le 5 avril
1793 par
« J’ai ordonné au détachement de rentrer [de Bournezeau] en lui recommandant d’organiser comme partout ailleurs et de prier M.de Verteuil d’y envoyer un détachement pour occuper le château étant à portée et cette place étant une bonne position militaire. »
Pendant près de 5 mois, Bournezeau fut occupée par les insurgés
vendéens sous les ordres de Jean-Pierre
A partir de juillet 1793, la pression des armées républicaines
s’intensifia. A la demande de
« Monsieurd’Asson se trouve avoir besoin de monde pour la défense du château de Bournezeau que les ennemis proposent d’attaquer cette nuit ou demain matin. Pourquoi il m’a demandé 300 hommes que je lui ai promis. »
Après plusieurs alertes sérieuses provoquées par les armées républicaines, la garnison vendéenne fut obligée d’évacuer la paroisse vers le 20 août 1793. Dès lors commença la répression républicaine.
Le 19 septembre 1793, le général républicain
« (…) J’avais fais partir, le 12, le généralL’Échelle avec 2 500 hommes, pour nettoyer ma gauche Il s’est porté à Creil de Bournezeau, a chassé devant lui tout ce qui s’est présenté, incendié tout ce qui servait de repaires aux brigands, et a fait passer sur le derrière de l’armée tous les bestiaux qu’il a pu trouver (…) »
Il est probable que certains villages de Bournezeau et le château aient été incendiés par cette colonne.
Six mois plus tard, le 29 mars 1794, une nouvelle colonne républicaine
s’avança sur Bournezeau. Elle était commandée par
« (…) J’en suis parti [de Saint-Ouen] le 9 [germinal] à 8 heures du matin après avoir incendié tout le bourg pour St-Vincent-Fort-du-Lay. Nous nous sommes ensuite portés sur Bournezeau où nous n’avons incendié que la moitié du bourg, le château et les moulins, à défaut de charrette toutes les métairies, moulins le long de notre route ont été réduits en cendre (…) »
Il concluait en indiquant qu’il incendierait le restant du bourg plus tard. Nous ignorons s’il réalisa son projet. En plus du château, nous savons que le presbytère de Bournezeau a été incendié pendant la guerre de Vendée.
Dans les années 1796-1797, la situation à Bournezeau était calme, notamment grâce à la présence d’une troupe républicaine basée peut-être dans ce qu’il restait du château.
Le 11 décembre 1799, arrivèrent à Bournezeau près de 200 soldats vendéens. Les Républicains de la commune, au nombre de 19, se réfugièrent dans leur corps de garde installé en haut des remparts du château. La situation dégénéra rapidement. Sous la menace des Vendéens, ils furent contraints de quitter leur position. En janvier 1800 la paix est signée entre le gouvernement et les insurgés de l’Ouest.
Cet épisode marque la fin du rôle militaire du château de Bournezeau.
Ce dernier ainsi que les terres qui en dépendent, furent vendus comme
bien national et achetés vers 1798 par un dénommé
Le propriétaire actuel est monsieur