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Jean de Creil, marquis de Bournezeau

Nous sommes le 24 Septembre 1680. C'est jour de fête à Bournezeau. Les familles Payneau et Bordier vont unir deux des leurs. Notre bon curé Avril est à la manœuvre. Il célèbre sans doute le mariage de l'année et rédige l'acte suivant:

mariage

En cette fin de XVIIème siècle les témoins d'une noce sont soigneusement choisis. Ils montrent à la communauté l'appartenance des époux à un milieu social. Ce mariage de notables donne sans doute avec l'ordre d'apparition des signataires, une excellente photographie de la pyramide sociale de la bourgeoisie catholique de la fin du XVIIème. La position de chacun est ainsi mise en évidence.

Or, fait rarissime, le curé Avril cite un invité avant les parents des mariés. La présence de Jean de Creil devient l'élément majeur de la cérémonie. Le seigneur de Bournezeau, cet homme que l'on voit rarement sur ses terres, celui qui grâce à son poste peut côtoyer le Roi Soleil, assiste à la cérémonie. Nul doute que cet événement peut être ressenti comme un honneur par les familles des époux.

Les de Creil ne sont cités que deux fois dans les registres paroissiaux de Bournezeau. Jean de Creil sera l'année suivante le parrain du premier enfant du couple Payneau-Bordier.

De cette présence exceptionnelle naissent d’autres questions. Tout le monde se doit d’être à la noce. Alors, où sont les Béjarry, les Piniot de la Girardière, les Raffou ? Ces familles protestantes, ou récemment converties, sont absentes. Il est néanmoins possible, comme cela se fait beaucoup à l’époque, qu’elles attendent à la porte de l’église. Mais en ce jour précis, si tel est le cas, il s’agit d’une erreur. Le roi, est au sommet de sa puissance. Sa volonté ne souffre aucune contestation. Elle tient en une devise : Un roi, une foi, une loi. Pour atteindre ce but il a besoin d'hommes de valeur. Jean de Creil, lui, est l'un de ceux qui ont mis en œuvre la volonté royale dans ses succès, comme dans ses injustices.

Le rapprochement avec l'histoire pourrait s'arrêter là. Mais le maître des requêtes ne l'entend pas ainsi. Il a besoin d'un nom à hauteur de ses ambitions. Ilchoisit celui de De Creil-Bournezeau, entraînant avec lui le nom de notre commune dans les livres d'histoire. Quels sont les rapports de nos ancêtres avec les de Creil ? Que savons-nous aujourd’hui des deux hommes et des deux femmes qui ont porté le nom de Creil-Bournezeau ? Pourquoi pendant un siècle le nom de notre commune était-il “Creil-Bournezeau” ? Le challenge étant lancé, la commission histoire se devait de relever le défi et de lever le voile de l’oubli.

Les recherches sur la famille de Creil conduisent rapidement à une historiette qui trouve son origine au Poiré-sur-Velluire.


Le château du Poiré-sur-Velluire

René du Chastelier-Barlot, petit-fils de Léon, l'auteur desMémoires pour servir à l'histoire, depuis l’an 1596 jusqu'en 1636” — >Fontenay-le-Comte, Pierre Petit-Jean, 1643, pet. in-4° de 113 pages, et dernier descendant mâle de cette famille, ne mourut point seigneur du Châtelier, s'il faut en croire la tradition. En juillet 1630, cette terre fut vendue à Paris, par décret de justice, à la requête de Jean de Creil, marquis de Creil-Bournezeau, conseiller du roi, intendant de la généralité d'Orléans, qui s'en rendit adjudicataire. Ce dernier, fils ou petit-fils d'un maçon de Bournezeau, ayant offert au marquis ruiné de lui donner sa fille en mariage, il lui répondit, en vrai baron allemand, qu'il préférait mourir pauvre que de se mésallier. Avant la révolution de 1789, des vieillards du Poiré-de-Velluire montraient, en effet, une espèce de toit à porcs, où ils avaient entendu dire par leurs grands-pères que leur ancien seigneur était mort dans la détresse, après avoir mangé tout son bien. La fille de Creil mourut, au contraire, duchesse de Beauvilliers-Saint-Aignan(Note de Mercier du Rocher).

Les de Creil dans le Bas-Poitou apparaissent comme des nobles parvenus, des malfamés qui se servent de leur ascension sociale récente pour dépouiller la noblesse locale. Néanmoins, on note quand même une certaine admiration : un fils d’un maçon de Bournezeau a réussi à marier sa fille avec un duc, et pas n’importe lequel : un de Beauvilliers de Saint-Aignan, un des proches du roi.

Une lettre de Mme de Sévigné du 30 Octobre 1656, nous donne la perception parisienne de la famille de Creil. Le récit surprenant est celui d'une cavalcade costumée. Partie du quartier Saint-Paul, haut lieu du Marais parisien, la troupe de cavaliers passe par Nantes puis aller jusqu’aux aux Sables-d’Olonne ! (Nous notons au passage que les Sables dès le 17ème sont déjà un lieu de villégiature pour parisiens fortunés). La troupe s’arrête à la Meilleraye, sur les terres du Maréchal. Celui-ci dirige alors l’Arsenal qui est justement à deux pas de la rue Saint-Paul. A la tête de la chevauchée, un ambassadeur et une femme “La divine de Creil>”. Aux yeux de l’épistolière, la famille de Creil frôle l'excellence.

Ces deux versions sont aux antipodes. Qui devons-nous croire : l'épistolière ou nos historiettes du coin du feu ? Il faut continuer à chercher. Mais nous verrons dans la suite de cet article, que ces deux versions nous ont mis sur les bonnes voies.

La vie parisienne des “de Creil


Le blason
et le dessin de la pierre tombale
de la chapelle St Henri

Trois documents nous permettent de toucher du doigt la vie parisienne des de Creil : un acte notarié du Duc de la Force, une pierre tombale aujourd’hui détruite, et un blason.

Leur blason est constitué d'un chevron d'or accompagné de trois clous de la passion, le tout sur une couleur azur. Il nous indique que les “de Creil” sont des personnes pieuses (les clous de la passion représentent la souffrance du Christ) et éprises de justice (la constance et la fermeté du chevron).

C’est une famille de magistrats. Et à Paris, le haut lieu de la magistrature est le Châtelet. Nous sommes encore tout près du quartier du Marais.

En cette fin du 17ème, Paris se couvre d’églises. Leur financement est assuré par la nouvelle bourgeoisie soucieuse de reconnaissance.

Les de Creil participent à ce mouvement. Ils contribuent à la construction d’une chapelle destinée à recevoir le caveau familial. C’est dans l’ancien couvent des Grandes Carmes de la place Maubert qu’Henry de Creil, le père de Jean, a décidé que la famille reposerait. A deux pas de Notre Dame, en plein centre de Paris, le choix semble judicieux pour passer à la prospérité. C'est en fait une erreur : l’église des Carmes n’a pas survécu à la révolution. Mais le caveau familial et les inscriptions qu’il portait ont été dessinés faisant passer ainsi l’arbre généalogique des de Creil à la postérité.

C’est enfin un acte notarié du Duc de la Force qui nous confirme l’adresse de Jean de Creil : Le 10 rue des Lions-St-Paul, un hôtel particulier dont le jardin donne sur le quai des Célestins, face à la Seine et à son port.


Le couvent des Grandes Carmes place Maubert

Comme indiqué par Mme de Sévigné, les de Creil ont élu domicile à l’ombre de l’arsenal du maréchal de la Meilleraye. La carte ci-dessous, même si elle est du début du 18ème, remplace tous les mots pour décrire l’atmosphère, le paysage urbain dans lequel évoluait Jean de Creil.

paris.png Cathédrale Notre Dame

1- La cathédrale Notre Dame sur l’île de la Cité.
2- La rue des Lions où a vécu la famille de Creil.
3- Le grand Arsenal du duc de la Meilleraye.
4- Le couvent des grandes Carmes où se trouvait le caveau de la famille de Creil.

Jean de Creil et Bournezeau : Les raisons d’une union

Lorsqu'en 1680 Jean de Creil vient à Bournezeau, il lui manque pour réussir son ascension sociale trois choses : un titre de noblesse pour devenir un parti acceptable, une épouse pour lui ouvrir les portes des alliances politiques à la hauteur de ses ambitions, et une fonction que seul le roi peut lui donner.

L’homme est à la fois efficace et pressé. Quand il perd sa femme, Jeanne Masson, il n’est pas abattu. Volontaire, il rebondit immédiatement. Il ne lui faut que trois ans pour atteindre tous ses objectifs. Alors que le roi a besoin d’argent, Jean est prêt à acheter un titre de marquis. Le roi souhaite enraciner un catholique sur ces terres du bas Poitou pour en repousser les protestants et s’assurer que les récentes conversions s’affermissent. La famille de Creil a fait preuve de sa foi. Jean, avec son expérience de maître des requêtes, est préparé aux travaux politiques sensibles. Il appartient à ce milieu de bourgeois éduqués, travailleurs, qui sont les dignes émules d’un Colbert et qui plaisent au roi. Il devient rapidement un allié capable de contrôler les agissements de la grande noblesse du Bas-Poitou. Désormais le duc de la Trémoille fils de la très fervente protestante Marie d’Auvergne, même sur ses terres du duché de Thouars, doit laisser de côté ses anciennes alliances protestantes.

Jean de Creil de Bournezeau obtient du roi, par lettre patente, l’érection de Bournezeau au rang de marquisat, et la commutation du nom de Bournezeau en celui de Creil. Une seule condition: Bournezeau doit désormais rester catholique.

Avec le titre de Marquis, Jean de Creil est devenu un parti tout à fait convenable. C’est un autre maître des requêtes, Jérome d’Argouges, qui lui ouvre les portes du pouvoir. La famille d’Argouges appartient à l’histoire et aux mythes Bretons. Attachée depuis longtemps à la maison des reines de France, Anne d’Autriche, la mère de Louis XIV a permis à François d’Argouges, le père de Jérome, de devenir président du parlement de Bretagne et d’ accéder ensuite au conseil royal des finances. François d'Argouges, en acceptant de donner la main de sa fille Suzanne à Jean de Creil, sait qu’il réalise une alliance de choix. Les intérêts de la Bretagne et du Bas-Poitou sont désormais réunis et portent un nom : de Creil-Bournezeau. Le mariage est certainement célébré par un autre François d’Argouges: Fils du précédent, il est l’évêque de Vannes et devient désormais beau-frère de Jean.

C’est maintenant au roi d'agir. Le poste d’intendant des provinces (l'équivalent de nos jours d’un super préfet, à la tête de trois voire de quatre départements) est envié par tous les maîtres des requêtes. Le 23 mai 1686, le roi, fidèle à sa conduite, choisit de nommer Jean de Creil-Bournezeau à Moulins. Le représentant de la noblesse de robe est élu avant son beau-frère, le descendant de la noblesse d’épée.

Jean de Creil sait néanmoins renvoyer l’ascenseur. Car deux ans plus tard, lorsqu’il est nommé à Orléans, c’est Jérôme d’Argouges qui lui succède à Moulins avant d’être lui-même appelé en Bourgogne. La parentèle d’Argouges est en place. Le bas-Poitou, la Bretagne, le Centre, l’île de France, la Bourgogne, l’Auvergne sont autant de terres où la famille a des représentants.

Jean de Creil de Bournezeau,
un catholique, au service du pouvoir absolu

Une ascension aussi rapide peut détruire un homme, le détourner de son esprit critique. Parce que le roi veut, Jean de Creil-Bournezeau, son intendant, doit exécuter. Ayant été nommé pour mettre en œuvre la conversion des partisans de la religion prétendue réformée (les protestants), il va devenir rapidement, au même titre qu’un Bossuet, l'un des principaux artisans de cette abominable erreur historique. Aubusson, pour ne citer que cet exemple, garde le triste souvenir de la fermeté de l'intendant “de Creil-Bournezeau”. La ville est convertie, mais au prix du départ de la majorité des maîtres tapissiers. Durant cette période sombre pour le nom de Bournezeau, l’intendant met en œuvre tous les moyens répressifs possibles : l’emprisonnement, la séparation des enfants avec leur famille, les dragonnades et les abus qu’elles engendrent, l'achat des conversions. L’historiette des anciens du Poiré-sur-Velluire n’est donc pas infondée. Elle repose sur un fait. L’ouest a connu sous Louis XIII deux grands chefs militaires: Henry de la Trémoille et Léon du Chastelier-Barlot. Ces deux protestants ont été capables de lever 4 000 hommes pour aller combattre en Italie. La menace était sans doute prise au sérieux à Paris. Mais le descendant des Chastelier-Barlot n’a pas la même envergure que son grand-père. Jean de Creil de Bournezeau va se charger de racheter ses terres éloignant un peu plus la possibilité d’une révolte protestante en Bas-Poitou.

Si l’histoire s’arrêtait là, la famille de Creil qui a associé le nom de Bournezeau à la traque des protestants ne justifierait même pas que l'on lise ces quelques lignes. Mais l’intendant sait tenir compte des erreurs. Le roi veut le bonheur de ses sujets. Il fait en sorte d’y contribuer.

Jean de Creil le réformateur

L’intendant a été nommé pour faire prospérer sa province. La prospérité se mesure à l’impôt payé. Encore faut-il que la collecte soit efficace. La corruption et la fraude sont généralisées. Jean de Creil va s’y attaquer en trois temps.

La collecte de l’impôt coûte parfois plus qu’elle ne rapporte ! L’intendant va imposer ses méthodes aux collecteurs, et les résultats vont être rapidement visibles.

Le 26 Juin 1688, Jean de Creil-Bournezeau écrit :

« Les receveurs d'icy commencent à apprendre leur métier, et à force de leur avoir fait réprimandes et des leçons, ils ont du moins compris que leur principale application doit estre à retrancher les frais de recouvrement. Le tarif que j'ay fait, et qui s'y observe exactement, n'y contribue pas peu, et je ne doute point que l'année prochaine ils ne soient encore moindres. […] La recette de l'année dernière est acquittée il y a près d'un mois, et les frais de tout ce recouvrement ne montent pas à 600 lt [livres tournoi]; La recette de cette année approche fort de la moitié de l'imposition, et les frais jusqu'à aujourd'hui ne passent guère 300 lt. »

Les intermédiaires dans la collecte de l'impôt peuvent être nombreux et parfois sans aucune légitimité. Jean de Creil-Bournezeau, observe, note, et si le roi le veut, revient sur des pratiques douteuses.

« … ce tribunal des chasses s'accroît et se multiplie par toute la France, à la foule du public, et il est des endroits où l'exercice en a plus cousté que la taille mesme. Les gardes qui font leur rapport n'ont d'autres salaires qu'une part qu'on leur donne dans les amendes, et, comme il en est peu qui ayent serment de justice, et que beaucoup mesmes des juges n'ont ni provisions ni caractères, la passion et l'avidité des uns et des autres sert de règles et de loy aux rapports et aux jugements, et, dans la vue que Sa Majesté a de soulager ses peuples, j'ose vous dire qu'il n'est plus de moyens plus assuré pour le faire qu'en retranchant de ces tribunaux et en diminuant leur autorité. »

Mais le plus important est que la fraude fiscale se pratique à grande échelle. Le 17ème a des airs d’époque moderne. Le sport national est d'éviter à ceux qui en ont les moyens de payer des impôts. Jean de Creil-Bournezeau s'attaque à de puissants nobles. L'intendant ne doit pas mécontenter les amis du roi, les protégés des Princes. Jean de Creil-Bournezeau va appliquer une démarche que notre ancien ministre Eric Woerth a utilisé récemment avec les comptes en Suisse. Il se rend à Vendôme et écrit au Contrôleur Général.

« Cette année, je n’ai fait qu’observer. J’ai maintenant en ma possession une liste de noms bénéficiant d’exemptions qui me semblent sans fondement. Si le roi le souhaite il en sera ainsi. Sinon je donne un an aux abus pour cesser. »

Cette lettre qui a traversé l’histoire a dû provoquer un sérieux émoi. Mais l’histoire retient que Jean de Creil-Bournezeau a été le réformateur fiscal de la ville de Vendôme.

Jean de Creil le bâtisseur

Jean de Creil-Bournezeau est un infatigable voyageur. Les intendants sont les yeux du pouvoir. Le roi veut savoir comment se porte son agriculture. Il observe l’évolution des fermes et des récoltes. Mais pour que le commerce se développe, les routes doivent être en bon état. Là encore, Jeande Creil agit en venant au secours des villes comme Montargis qui en ont le plus besoin. Son sens de la responsabilité et son investissement personnel dans l’action et le suivi est souvent remarquable.

Le 14 Juin 1686 Jean de Creil-Bournezeau écrit au contrôleur général:

«J'ay visité la grande chaussée qui s'entretient au dépend du Roy depuis Etampes jusqu'à Artenay, et je l'ay trouvée en plus mauvais estat que je ne l'aye vue depuis un grand nombre d'années que je passe par ce chemin; Je tiendrai la main aux ouvriers le plus près que je le pourray et ne manqueray pas de vous rendre compte et prendre ordre sur tout».

Un ouvrage hors du commun attend Jean De Creil-Bournezeau. La Bretagne et le Bas-Poitou ont besoin que les marchandises arrivent plus vite sur les quais parisiens. Les bateaux peuvent remonter la Loire jusqu’à Orléans en étant poussés par le vent d'Ouest (le vent de Galerne). Mais pour la suite du voyage, seul le halage permet de s’éloigner de Paris jusqu’à Briare pour y rejoindre le canal. Cela a un coût élevé. Creuser un canal entre Orléans et Montargis serait la solution. Plusieurs hommes ont essayé. Ces tentatives ne furent que des échecs.


Cartes comparatives du transport de marchandises vers la capitale à la fin du règne de Louis XIV (navigation à voile sur la Loire puis les canaux) - Travail personnel d’après Roger Dion "A propos du canal de Briare", 1937. http://fr.wikipedia.org/wiki/Canal_d'Orléans

Le frère du roi (le prince d’Orléans), puis le roi lui-même ont participé aux investissements. Mais de nouveau le canal n’avance plus. L'ouvrage est confié le 4 Mai 1687 à Jean de Creil-Bournezeau. Il négocie les expropriations nécessaires, règle avec les ingénieurs de l’époque, les problèmes d’alimentation en eau, fait appel à la

milice pour faire avancer les travaux en hiver lorsque cela est nécessaire. Le canal est officiellement réceptionné le 31 Décembre 1691. Il est ouvert à la circulation le 5 mars 1692. Le succès est immédiatement au rendez-vous: 2 300 bateaux empruntent cette nouvelle voie navigable dès la première année et rapportent 220 000 Livres. L’alliance entre la Bretagne et le Bas-Poitou conçue par François d’Argouges porte ses fruits. L’ouest avec le canal d'Orléans remporte une victoire sur la Bourgogne et le canal de Briare.


Haleurs sur le canal d’Orléans

Jean de Creil de Bournezeau
l’économiste à l’écoute de ses administrés

Les succès de Jean de Creil-Bournezeau auraient dû lui valoir des périodes d’accalmies. Mais deux éléments échappent à son contrôle: le climat et la volonté royale. 1693 et 1694 ont été deux années aux hivers rudes accompagnées d'une grande sécheresse. Louis XIV est en guerre. L’anglo-Néerlandais Guillaume III d'Orange Nassau, devenu le champion des protestants, a su allier toute l’Europe contre le Roi Soleil, au travers la Ligue d’Augsbourg. De 1688 à 1697, le royaume vit au rythme des batailles et des déplacements de troupes. L’intendant fait de son mieux. Mais il doit évoluer. Le serviteur zélé se démarque petit à petit de son souverain. Il a une vision des plus précises des flux monétaires. Et c’est avec une grande lucidité, lorsque sa province souffre trop, qu’il se permet de mettre le grand roi en face de ses responsabilités :

« Le Roy le veut, c'est assez pour qu'on tire tout ce qu'il y a d'argent dans la province; mais si l'on ne trouve pas le moyen d'y en faire revenir et que la circulation cesse, comme elle commence, il ne restera plus qu'une bonne volonté et une impuissance parfaite dans des sujets plus dévoués encore à leur prince par inclination que par devoir»

Le 11 février 1691, il signale dans la Beauce plus de cent fermes abandonnées. Il rapporte le 15 Novembre de la même année de Châteaudun:

« La misère est si grande partout et tant de fermes sont désertes que j'ay eu une peine extrême à faire l'imposition pour cette élection. »

Les soldats ne cessent de passer. Jean de Creil doit les nourrir et rembourser ceux qui ont été réquisitionnés. Puis les sergents recruteurs enrôlent de force, ce qui diminue la main d'œuvre pour les récoltes à venir. L'hiver, les soldats prennent leurs quartiers. Et c'est alors 89 compagnies que Jean de Creil-Bournezeau doit entretenir, alors que les ressources de la province sont au plus bas.

Les paysans se cachent et n'osent plus venir en ville. Jean de Creil-Bournezeau s'oppose alors aux prélèvements de blé, puis au recrutement par l'armée. Pour lutter contre la famine, il propose et obtient la suppression d’une taxe sur les blés en 1693. L'exercice du pouvoir en a fait, difficulté après difficulté, un homme d'état au sens noble du terme, car au service d'une province.

La chute de la parentèle


Louis XIV et son conseil

Une nouvelle tombe en 1694 : Jérôme d'Argouges, le beau-frère du marquis Jean de Creil-Bournezeau est suspecté en Bourgogne d'enrichissement personnel. Il s'en défend. Mais le roi tranche. La parentèle d'Argouges doit être écartée pour un temps du pouvoir. Les deux intendants sont déchus en même temps. Mais pour Jean, le fidèle serviteur, ce n'est pas une mise à la retraite. Le roi estime que son zèle constant depuis plusieurs années et que ses efforts pour remédier aux calamités méritent récompense. Il siège désormais au conseil d'état, poste qu'il occupe jusqu'à sa mort en 1709.

La famille de Creil est issue de la petite Bourgeoisie. Jean de Creil a associé le nom de Bournezeau à une ascension politique exceptionnelle. Il ouvre la voie à son fils Jean-François qui sera intendant à Metz, et aussi à sa petite-fille la future duchesse de Beauvilliers-Saint-Aignan. Mais ce sont là deux autres histoires que les Bournevaisiens devront aussi sortir de l'oubli.

Jean-Luc Bonnin

à mon oncle Raphaël qui nous a quittés en décembre
et à tous les Remaud qui en mélangeant leur sueur à la terre de Bournezeau nous ont permis de devenir ce que nous sommes aujourd'hui.

Sources :
Etat du Poitou Sous Louis XIV page 241
Lettres de Mme de Sévigné, de sa famille et de ses amis recueillies et annotées Par M. Monmerqué (Publication L. Hachette)
- Antiquités Nationales ou recueil des monuments, pour servir l'histoire générale et particulière de l'empire François, tel que Tombeaux, Inscriptions, statues, … Par Aubin Louis Millin Tome quatrième (Carmes de la place Maubert P 321)
- http://doc.geneanet.org/registres/zoom.php?idcollection=3741&page=82&r=1&Larg=1280&Haut=800
- Plan turgot 1736 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Plan_de_Turgot.jpg
- Archives Nationales : X1A-876 Érection des terres et des seigneuries de Bournezeau, des Pineaux et de Puymaufrais, et leurs dépendances en titre nom et dignité de Marquisat et commutation de nom de Bournezeau en celui de Creil pour en jouir par le Seigneur de Creil
- Histoire physique, civile et morale de Paris, par J.A. Dulaure de la société des antiquaires d France (Note sur l'obtention de la charge de Président du parlement de Bretagne – mémoires de Monglat t IV, p 253 et suivantes)
- Journal du Marquis de Dangeau (18 Août 1684) Vendredi 18 Monseigneur alla tirer dans la plaine de Montrouge, et partit à cinq heures du matin; Il revint à la messe du roi.- L'après dinée, le roi alla tirer dans son parc, et Monseigneur le suivit. - M. de Vertamon n'accepta pas l'intendance de Bourbonnois, et on la donna à M e Creil, gendre de M D'Argouges.
- Journal du Marquis de Dangeau (23 Mai 1686)
- Correspondance des contrôleurs généraux des finances avec les intendants des provinces publiées par ordre du ministre des finances, d'après les documents conservés aux archives nationales par A.M.De Boislisle  : p. 58, p. 155, P.219, p. 284, p.243, p.343, p.347
- Nombreuses lettres dans la série O1-30 des archives nationales
- L'administration des intendants d'Orléans de 1868 à 1713 Charles de Beaucorps p.29, p.31, p.33, p.36
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Canal_d'Orléans
- http://www.alertes-meteo.com/catastrophe/annees-de-misere-age-glaciaire.htm
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_la_Ligue_d'Augsbourg
- Sara E.Chapman, Private Ambition and Political Alliances. The Phélipeaux de Ponchartrain Family and Louis XIV's Government, Family and Louis XIV's Government, 1650-1715 p.85