Jeanne Chevalier championne du monde sur glace

Jeanne CHEVALIER, épouse de Louis ESGONNIERE du THIBEUF, a été Championne du monde de patinage artistique en 1920.

Les compétitions au Canada

Jeanne CHEVALIER est née le 27 novembre 1891 à Montréal au Québec. Jeanne est née d’un père français, Martial, fils du consul de France au pays de la Belle Province, fondateur et président du Crédit foncier franco-canadien, et d’une mère canadienne, Charlotte PETERS, descendante d’Irlandais immigrés, petite dernière d’une dynastie d’architectes.

Dès son plus jeune âge, Jeanne Chevalier est une excellente sportive. Elle pratique de nombreux sports. Elle monte à cheval, joue au golf et au tennis, elle nage, fait de l’équitation, du ski et bien sûr du patinage.


Jeanne CHEVALIER avec ses patins sur la piste de glace

Elle patine et arrive à une telle perfection qu’au Winter-club, cercle dont elle est membre, elle est désignée pour concourir à Montréal, puis dans d’autres villes du Canada, et aux Etats-Unis. Sur la glace québécoise, l’élégance de Jeanne se remarque rapidement. Elle commence alors à collectionner les trophées avec son partenaire, et pas avec n’importe qui, Norman SCOTT, descendant du célèbre écrivain Walter SCOTT, “l’auteur d’Ivanhoé”. Ils se complètent parfaitement. Durant une dizaine d’années, elle remporte de nombreux succès tant en patinage individuel qu’en couple, dont une série de titres enviés : en 1909, le “Grey-challenge Trophy” ; en 1913 et 1914, le “Connaught Challenge Club”. Elle termine également 2ème au championnat du Canada en 1913 et 1914. Le couple Jeanne CHEVALIER-Norman SCOTT, remporte en 1914 le championnat du Canada et des Etats-Unis.

Une même grâce pour un couple de patineurs qui va bientôt être séparé par la guerre.

En 1914, alors que ses trois frères sont partis sur le front, quelque part en Europe, Jeanne suit une formation d’infirmière dans, “Le Saint John’s Ambulance, de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem”.

Pendant quatre ans, Jeanne s’occupe bénévolement des grands blessés, rapatriés du front, dans un hôpital militaire près de Montréal. Elle a un grand sens du devoir, toujours à l’écoute des autres.

Au crépuscule de la guerre, la jeune Chevalier rechausse les patins et enchaîne les combinaisons avec Norman SCOTT. Discrète, elle aiguise à coups de larmes ses pas de danse. Elle déteste par-dessus tout la médiocrité.

En 1920 et 1921, elle remporte le titre de championne du Canada. En 1920, elle est sélectionnée pour les compétitions à Lake Placid, dans l’Etat de New- York. Le couple Jeanne CHEVALIER-Norman SCOTT remporte le titre suprême. Ils sont sacrés champion du monde de patinage artistique. C’est le triomphe.

« J’ai été très surprise avait-elle confié, à l’époque, à un journaliste. Le couple concurrent avait mal patiné et voilà, nous étions champions ! ».


Le couple de patineurs : Jeanne CHEVALIER et Norman SCOTT sur la piste

Un titre de gloire qui annonce déjà la fin de sa carrière. Un an plus tard, ses parents décident de rentrer en France, le pays d’origine de son père. Ils s’installent en Touraine.

Elle jette l’ancre en Vendée

Un jour, Jeanne CHEVALIER rencontre Louis ESGONNIERE du THIBEUF, architecte de profession et peintre amateur. Ils se marient le 4 juin 1923 près de Tours. Puis le couple s’installe au château du Thibeuf de Bournezeau. Ils ont trois enfants : Charlotte, Elise, Renée.


Tableau de Jeanne CHEVALIER, épouse ESGONNIERE, peint en 1930, par Georges Auguste Elie LAVERGNE.
Ce peintre  avait obtenu le prix de Rome en 1892.

En posant ses bagages en Vendée, Jeanne prend la double nationalité et range ses patins au fond d’un coffre.

« On l’a vue patiner deux fois, raconte Renée, une de ses filles. Pendant les hivers 1936 et 1940, sur un étang gelé en contrebas du domaine. Nous étions ébahies. Quelle élégance ! Elle nous tenait par la main. Un souvenir inoubliable ».

Il faut dire que leur mère n’était jamais avare de ses histoires sur glace. Nostalgique ? Sûrement, surtout qu’elle ne se reconnaît plus dans le patinage moderne. « C’est devenu de la gymnastique » disait-elle avec humanité. Certainement que ses patins la démangeaient, elle, l’esthète, l’artiste des courbes.

Une partie d’elle même était sans doute restée dans son lointain Canada. Jeune fille, elle a traversé 17 fois l’Atlantique en paquebot. La dernière fois en avion, c’était au mois de juin 1973, elle avait 82 ans. Elle avait trouvé que Montréal avait beaucoup changé.

Jeanne la pieuse

Jeanne est une catholique fervente. Dans son livre de méditation, elle a inscrit en anglais, cette pensée qui était probablement devenue une sorte de règle de vie :

« Dans la providence de Dieu, de la souffrance peut venir  tout bien, c’est le moyen d’élever l’homme, l’être humain jusqu’au sommet de la grandeur terrestre et de le conduire à l’éternelle béatitude après sa mort ».

Souvenirs de Jeanne

Sa dernière pirouette, elle l’exécute le 8 décembre 1984 au château du Thibeuf de Bournezeau. Jeanne ESGONNIERE du THIBEUF s’éteint doucement et sereinement, à 93 ans, en plein cœur d’une belle journée d’hiver.

Son petit fils rappelle : « qu’elle a vécu la naissance de la technologie et a su évoluer avec son temps ». Elle qui ne s’est jamais plainte et qui a pourtant connu des sujets d’inquiétudes, croit en l’avenir et fait confiance à la jeune génération. C’est probablement un des messages qu’elle nous laisse aujourd’hui.

Le destin de Jeanne CHEVALIER, née à Montréal et mariée à un français, Louis ESGONNIERE, est hors du commun. Sa fille Élise, de son vivant, en témoignait. Elle a conservé dans le château familial de Bournezeau des photographies, coupures de presse et autres documents témoignant du glorieux passé sportif de sa mère.

  

Elle a aussi conservé ses patins. Certes, le cuir a vieilli, est élimé, flasque et rongé par le temps. Il a perdu de son lustre d’antan. La lame oxydée ne renvoie plus aucun reflet et quelques vis ont même sauté en chemin. Ces patins à glace renferment pourtant une histoire extraordinaire, celle de Jeanne ESGONNIERE du THIBEUF.

Plongées au milieu des photos d’époque jaunies et des coupures de presse écornées mais précieusement gardées, Charlotte, Élise et Renée, ses trois filles, remontent le fil du temps : “Quand Jeanne glissait sur le toit du monde”.

Pour son époque, on peut dire qu’elle représentait la femme moderne. La patineuse franco-canadienne a vécu 60 ans en Vendée.

Henri Rousseau 
Avec la collaboration de Charlotte et Renée ESGONNIÈRE.

Sources : Coupures de journaux : Ouest France du 15 février 1980  –  du 10 janvier 1985 –  du 24 février 2002  et autres dont la date n’est pas mentionnée.