Le mariage autrefois

Aussi loin que puissent remonter nos souvenirs et ceux de nos aïeux, nous savons que le mariage a souvent donné lieu à des réjouissances pouvant durer plusieurs jours, voire une semaine dans certains milieux, dans nos campagnes en particulier.


Mariage le 19 juin 1934 à la Buzinière de Puymaufrais de Fernand BIRET et Madeleine Ouvrard

Plusieurs mois avant la noce (en général deux ou trois mois), un repas au cours duquel la jeune fille à marier recevait “la bague de fiançailles”, réunissait les deux familles se connaissant préalablement ou non.

On fixait ensemble la date du mariage, et à partir de là commençaient les projets : réservation à la Mairie, à l’église, invitation aux parrains et marraines auxquels on apportait un gâteau, puis aux autres parents et amis en veillant à n’oublier personne, réservation d’un cuisinier, d’un ou plusieurs musiciens. Déjà commençait la fête et bientôt on ne parlait que de cela. Les hommes se réunissaient pour goûter le vin : le blanc, le rouge, le meilleur en tous cas.

Trois ou quatre dimanches avant la noce, les jeunes passaient l’après midi à faire des roses en papier crépon ou autre, chez l’un ou l’autre des futurs époux. Ces roses étaient destinées à décorer les branches de houx ainsi que la grange où allaient avoir lieu les repas et le bal. En effet, autrefois on n’allait pas au restaurant ; ceux qui n’avaient pas de grange louaient une tente.

Il fallait aussi enlever les toiles d’araignées suspendues au plafond et dans les coins avec un balai à grand manche. Chez nous, le boucher détenait un plancher qu’il fallait également installer. Si le mariage avait lieu le mardi ou le mercredi, comme cela se faisait à ce moment-là, les hommes de la maison et des voisins partaient avec des charrettes à bœufs ou à cheval chercher les tables, chaises ou bancs, tréteaux ainsi que la vaisselle qui ne servait qu’à cela, nappe, serviettes de table et ustensiles de cuisine ; parfois dès le samedi précédent.

A la ferme, on tuait un veau de lait, le cuisinier arrivait dès le matin (la veille des festivités), afin de préparer le premier repas pour les travailleurs, tandis que les femmes de journées pour la vaisselle, commençaient par plumer poules et poulets. La veille, on mangeait les faux morceaux de viande.

L’après-midi de ce jour, les jeunes garçons et filles, tout joyeux, s’occupaient d’orner la grange avec les plus beaux draps sortis des armoires, disposés tout alentour et retenus par des épingles, des fleurs piquées çà et là. Une personne douée avait préparé un cœur en papier blanc, entouré d’un liseré de papier doré avec les initiales des mariés. On le collait au milieu, derrière l’endroit où allaient s’asseoir les époux. On dansait un peu pour mettre de l’ambiance, et en attendant que le couvert du dîner soit installé, ces jeunes s’en allaient par les chemins en équipes tout en chantant (souvent des refrains à boire). Pendant ce repas de la veille on faisait chanter le marié et ceux qui le pouvaient. On applaudissait en faisant un triple banc.


Trois mariages le 21 octobre 1930 à St-Vincent- Puymaufrais : Octave BESSON avec Armandine BESSON (sa cousine), Hippolyte BESSON avec Raymonde PARAGE et Léon POULINET avec Marie PARAGE.
A Puymaufrais, les photos de mariage se prenaient souvent, comme ci-dessus, devant l’ex magasin FAIVRE, rue Principale.

Une coutume consistait à mettre coucher la Sainte Vierge dehors, la nuit précédant le mariage, pour obtenir du beau temps, mais ce n’était pas comme une parole d’évangile.

Le grand jour arrivé, chaque travailleur avait à cœur de bien remplir ses fonctions : le chauffeur de four pour cuire les rôtis, le tireur de vin (souvent un ami), le soigneur des animaux, les serveuses qui étaient choisies dans la famille ou les voisins, mais surtout la couturière qui avait confectionné la toilette de la mariée, de la fille d’honneur, des sœurs, mères ou belles-mères, etc… Vers 1900, toutes les femmes portaient des coiffes, aussi la lingère était par conséquent très occupée. (les voiles sont venues un peu plus tard). Avant les robes blanches, les quelques photos nous montrent des mariées avec un corsage blanc, un jupon noir et des souliers noirs.


Photo prise devant la grange de la Loge
Mariage de François BOURREAU et Odette MONNEREAU le 20 février 1922
(Parents d’Antoinette CARDINAUD)

La première chose était de scruter l’horizon pour savoir si le soleil allait être présent. Lorsque tout était prêt, on organisait le cortège qui partait à pied, au temps où les automobiles n’étaient pas encore sorties. Le musicien jouait un air : suivait la mariée donnant le bras à son père, ou un autre parent, une longue gerbe de fleurs blanches à la main ; puis la demoiselle d’honneur et son cavalier, les petits et les grands jeunes par couples, les oncles, tantes, grands parents et enfin le marié au bras de sa mère. (comme aujourd’hui).

En hiver, quand le cortège devait traverser un chemin creux, comme il n’en manquait pas autrefois, il fallait atteler les bœufs et monter la mariée dans une charrette ou un tombereau pour rejoindre la route carrossable.

Tout comme de nos jours, le mariage civil était célébré le premier, et ensuite les cloches annonçaient le mariage religieux. Dans ce passé lointain, rares étaient les conjoints qui ne passaient pas par l’Eglise. S’il pleuvait, l’on disait que la mariée ne se serait pas bien confessée pour recevoir et se donner mutuellement le sacrement de mariage. Cependant, si la jeune fille avait déjà un enfant, elle devait entrer à l’église par la petite porte, et même être mariée sous les cloches très tôt le matin.

Après la signature des registres par les nouveaux époux, les témoins et les proches, le cortège sortait de l’église au son de la musique (à moins d’un deuil), et généralement se dirigeait vers un café du bourg. Parfois une estrade était installée pour photographier tout le groupe (pas encore d’appareils photos) par un professionnel. Il arrivait que les mariés allaient un autre jour prendre le train pour aller à la ville voisine chez un photographe, mais pas tous.

Les jeunes filles qui avaient fait partie de l’association des “Enfants de Marie” allaient à ce moment là avec leur mari chez les Sœurs de l’école ou elles partageaient un gâteau, vin ou café avec leurs amies, les mariés recevant leurs vœux.

Ensuite le cortège se reformait et l’on s’en allait, beau temps ou mauvais temps, au son de la clarinette ou de l’accordéon vers le village ou un bon repas était préparé.

Près de l’arrivée, des hommes étaient cachés et tiraient des coups de fusil en signe de bienvenue. Le long du chemin, il avait aussi été placé des rubans qu’il fallait couper et embrasser les bons voisins qui attendaient.


Deux mariages le 1er octobre 1930 à Saint-Vincent- Puymaufrais : Jules BLANCHARD avec Julia MERCIER et Camille MERCIER avec Marie-Louise BLANCHARD

Tous les travailleurs s’affairaient et de gros repas chargés de viande étaient servis au midi et au soir. Il arrivait de nouveaux invités pour le soir, et tout ce monde prenait également part au lendemain.

Les chanteurs animaient chacun leur tour, mais gare à celui qui n’allait pas jusqu’au bout de sa chanson, il se voyait à l’amende d’un verre de vin. Les applaudissements fusaient. Et la danse suivait, l’après-midi et la nuit. Souvent des couples se formaient à ce moment là, puisque les jeunes n’avaient que leur vélo, par conséquent, devaient profiter de ces invitations pour faire des rencontres et préparer l’avenir.

Des coutumes d’autrefois pendant le repas : faire filer une sœur plus âgée, faire fagoter du bois à un frère célibataire, offrir une part de gâteau aux prochains mariés de l’année (la grigne), pendant le bal , la danse de la brioche qui se perpétue encore, danse du tabouret, polka, mazurka, scottish, etc… La soupe à l’oignon était déjà de mise, il fallait trouver les mariés, mais quelqu’un avait fait le gué.

Les hommes buvaient un coup au cul de la barrique. Le lendemain, lorsqu’elle était vide, avec un cortège, des larmes (simulations de lamentations, condoléances), on allumait un bûcher.

Bref, toutes ces manifestations contribuaient à donner de la joie et repartir avec de bons souvenirs. Comme encore de nos jours, l’enterrement de la vie de garçon qui avait eu lieu quelque temps auparavant permettait au nouveau mari, à la naissance de son premier enfant de déterrer le cercueil rempli de ce breuvage divin qui rappelait l’un des plus beaux jours de la vie.

Annette Bossard

Photos : collection Jean BERNEREAU

Témoignage d’Henri FONTENEAU

« Mes parents, Henri et Isabelle, ont commencé à faire les mariages à la ferme, dans les années 1935/1940.

Je me souviens, les familles des mariés venaient chercher le matériel : tente, parquet, tables, bancs et vaisselle, avec des charrettes à bœufs ou à cheval. On complétait parfois avec notre camion. Quand le mariage était dans la grange, on ne livrait que le parquet, tables et bancs.

Ils venaient souvent huit jours avant la noce afin de monter la tente et préparer les décorations. On tuait le veau et le mouton, puis on faisait la découpe pour les différents repas. La veille du mariage, un bon dîner pour se mettre dans l’ambiance.

La cuisine était souvent préparée par Jules et Baptistine PARPAILLON (cuisiniers à leur compte), aidés par Berthe FABRE, épouse PILLAUD. Ils étaient employés par les familles.

Les serveuses étaient désignées par les familles, et complétées par les quatre ou cinq employées de mes parents. Chantal CORNU et Simone PUBERT étaient responsables du service.

Le lendemain du mariage, tous les invités venaient pour le déjeuner, et aussi vider les barriques…l’ambiance était toujours là. Nous emballions ensuite la vaisselle, et il fallait démonter la tente pour l’installer dans une autre ferme.

Ils ont fait les mariages pendant plus de 20/25 ans, puis tout le matériel (sauf vaisselle) a été vendu à M.BAUMARD de la Réorthe

Je pense que  le dernier mariage connu, était celui de Joseph LORIEAU et Thérèse GILBERT dans la grange de la Perdrière en avril 1963.

C’était toute une organisation, et ce n’était pas toujours facile, mais je garde de bons souvenirs de cette période. »
 
De g à d : Henri FONTENEAU(père) Marguerite HERBRETEAU – Jules PARPAILLON - Isabelle FONTENEAU - ? - ?
 
De gauche à droite : Chantal CORNU, Marie PINEAU, Henri FONTENEAU(père), Mme VIOLLEAU, Thérèse LOIZEAU
Arrière plan ; ?   Eugène PIFFETEAU, Jeanne LOIZEAU (Raffin), Gustave VIOLLEAU (apprenti boucher)