Sont-ils nombreux les Bournevaiziens qui connaissent le carrefour appelé
“La Tête Noire”, situé au croisement de la rue Jean G
Un indice : observez la maison contiguë à la plus ancienne maison de
Bournezeau d’époque Renaissance (
Que fait donc cette sculpture sur ce pan de mur, à près de 6 mètres du sol ? Quelle signification a-t-elle ? Depuis quand se trouve-t-elle là ?
La Commission histoire, dès sa création, s’est interrogée sur cette énigme ? Plusieurs hypothèses avaient été émises :
1)Il s’agirait d’un élément de décoration récupéré sur un monument et apposé là par un ancien propriétaire.
2)La tête proviendrait de l’ancienne église de Bournezeau détruite au milieu du XIXème siècle.
3) Il pourrait s’agir d’une enseigne commerciale comme, par exemple, une auberge qui se serait appelée jadis “Auberge de la Tête Noire”.
Aucune de ces hypothèses n’est satisfaisante. Nous savons, grâce au cadastre napoléonien, que cette maison s’appelait déjà “La Tête Noire” en 1825 : elle ne peut donc pas provenir de l’ancienne église.
Par ailleurs, aucune archive conservée ne mentionne de commerce avec un tel nom.
Nous savons, en revanche, que le carrefour a été modifié vers 1950. Pour élargir la route, l’angle droit où se trouvait probablement la “Tête Noire” a été biseauté, ce qui laisse à penser que la sculpture a été retirée lors de la destruction de l’angle et replacée ensuite au plus près.
Et puis, il y a quelques mois, à la suite de l’assemblée générale de
l’association “Maisons paysannes de Vendée” qui a eu lieu dans la
salle du Mitan Vendéen, un des participants nous aborde. Il s’appelle
André B
Il nous déclare : « Je connais la signification de la Tête Noire que l’on trouve sur votre commune. »
Très intrigués, nous l’écoutons. « Il s’agit, dit-il, d’une boule apotropaïque, d’une boule sculptée en forme de tête ».
Que signifie donc “apotropaïque” ? Ayant lui même chez lui, une boule apposée sur son moulin à Chaillé, il s’est intéressé minutieusement à ce sujet. Il nous a alors fourni tout un dossier sur ce thème qui était pour nous inconnu.
Avec son aimable autorisation, nous nous sommes appuyés sur ses documents
pour éclaircir le mystère de notre “Tête Noire”. Le principal
document est une notice écrite par Mme Jeanne B
Tout d’abord, ce terme un peu scientifique d’apotropaïque vient du grec et signifie littéralement :
Apo = à partir de, loin de…
Tropaïque = indique un mouvement.
Autrement dit, d’après Jeanne B
« Ces boules étaient faites pour détourner l’influence maléfique des jeteurs de sorts et du mauvais œil, donc des sorciers et des sorcières ! (…) Il y a eu de tous temps des sorcières et des sorciers en Europe, particulièrement du
XV e auXVII e siècles. Les guerres, les épidémies, la misère accablaient la population. Les plus désespérés pensaient que Dieu n’écoutait plus leurs prières et s’adressaient alors au démon : sabbats et maléfices proliféraient, si bien que les procès de sorcellerie s’accumulèrent (…) Le simple citoyen ne se sentait plus à l’abri de ces jeteuses de sorts et ne savait comment protéger son bétail. De là les boules apotropaïques à l’angle des maisons et des fermes (…) »
Après avoir relevé un grand nombre de boules en Suisse, elle constate qu’
« il ne s’agit pas de bossage décoratif, jamais de symétrie, plutôt située dans les angles, sur un seul angle, unique et multiple, et du côté de la rue, rarement au milieu des façades. On en trouve aussi sur des portails, des portes d’entrées, voir des portes d’écurie, sur des églises, des tours, des murailles anciennes, mais toujours à l’extérieur (…) Soigneusement sculptées, elles n’ont pourtant rien de décoratif ou d’esthétique (…) Pour façonner ces boules, les ordres étaient donnés de bouche à oreille sur le chantier (…) Certaines boules ont été décorées d’une tête sculptée, en général d’une tête d’homme non grimaçante.»
Notre “Tête Noire” répond à toutes ces caractéristiques : située
dans un angle, côté rue au carrefour de 3 directions, visage humain
soigneusement sculpté et non grimaçant. Ajoutons que notre commune a
souffert des guerres de religion au
Jeanne B
« Pourquoi a-t-on choisi la boule pour détourner le mauvais sort ? Serait-ce parce qu’elle est de forme parfaite et que le diable n’aime pas la perfection ? C’est là un problème que nous ne pourrons jamais résoudre, car la boule apotropaïque existe depuis plus de 2000 ans. Aujourd’hui, on a complètement oublié que les boules apotropaïques détournent le Mal et protègent (…) »
Cette pratique remonte à l’Antiquité, bien avant le Christianisme !
Elle s’est ensuite développée dans toute l’Europe jusqu’au
Et nous retrouvons d’autres boules en Vendée. A Saint-Étienne-du-Bois, on
peut remarquer un groupe de 3 boules sur le fronton de la maison au centre
de la place (début
De chaque côté de l’entrée du porche du logis de la Tuderrière à Apremont, une boule est apposée.
A Saint-Philbert-de-Bouaine, une tête sculptée est apposée sur un pan de mur. Elle rappelle celle de Bournezeau mais elle semble sculptée avec moins de finesse. Peut-être est-elle plus ancienne ? ? Elle n’est pas en excroissance et a pu être déplacée.
Le mystère est désormais levé sur la signification de notre Tête Noire qui pourrait représenter une vierge noire. Par superstition et afin de repousser le mauvais sort, nos ancêtres sculptaient des boules apotropaïques, parfois en forme de visages humains. La recherche de ce rôle protecteur existe toujours mais sous d’autres formes. Qui n’a jamais vu un fer à cheval accroché à un mur ou sur une porte ?