Les bœufs et la machine à coudre


 Dans les années trente, point de prêt-à-porter
Le coton des chemises, la toile des tabliers,
Flanelle ou laine peignée à la foire achetés
Il fallait ensuite pour couper et piquer
Que vienne à la maison une bonne couturière.
Marie-Louise Bounaudet en était coutumière.

Pour l’installer chez lui, au village du Pont,
En face du Grand-Bateau, où était sa maison,
Pierre Chacun dut aller au bourg de Puymaufrais
Chercher machine à coudre et tout ce qu’il fallait.

Il attela ses bœufs, s’assit dans le tombereau,
Pour passer à pied sec le Lay au Grand-Bateau.
Il avait l’intention de faire des commissions,
De passer voir Orveau qui était forgeron.

Quand il fait mauvais temps, on n’est pas trop pressé
Mais pendant tout ce temps, le Lay avait monté.
Arriva le moment de rebrousser chemin.
Au fond de sa charrette, s’installa Pierre Chacun.
Il le faisait souvent, confiant dans l’attelage
N’ayant qu’une route à suivre au retour du voyage.
Portés par la descente et se sentant légers,
Après ce temps d’attente, les bêtes semblaient pressées.
En arrivant au Lay, croyant passer le gué,
Les bœufs filèrent tout droit pour faire la traversée.
Si l’homme vit le courant et parvint à sauter
Les bœufs furent perdus. Ils périrent noyés.
La machine à coudre de Marie-Louise Bounaudet
Fut retrouvée au bord quand le Lay eut baissé
Et notre couturière, après un nettoyage
Pendant de longues années en fit encore usage.
Cette histoire est du passé : Plus de gué au Grand-Bateau,
Rien n’y passe, ni piéton, ni même les chevaux.
A Puymaufrais, on ne fait plus les commissions
Après un demi-tour, on rentre à la maison.

 Jean-Paul BILLAUD

 D’après les témoignages d’Hubert CHARRIER, Auguste BÉLY, Marie-Josèphe BORGET, Gaby MENANTEAU