Jean Baptiste Ouvrard est né le 19 mai 1880 à la Citadelle de
Saint-Vincent-Puymaufrais. Son père Henri, cultivateur, ne savait pas
écrire au contraire de l’oncle François, cultivateur aux Brosses. Il était
l'aîné d'une famille de sept enfants. Après la mort de son père, en 1894,
sa maman (Julienne Charrier épouse Ouvrard qu'on appelait “Mémé Yenne”
dans la famille) dut travailler très dur pour élever sa nombreuse famille.
C'était une humble journalière, pieuse et énergique, mais ses charges
étaient si lourdes et son salaire si maigre que la pauvreté se fit sentir
cruellement au foyer familial. Jean-Baptiste n'oubliera jamais, ni ce
qu'il devait à cette maman courage, ni ses frères et sœurs restés à la
maison, dont il demandait souvent des nouvelles : Marie (dite Mèraya),
Gustave, Julienne, Jules, Benjamin (mort à la guerre de 1914/18) et
Joseph.
Quant à la pauvreté qu'il connut avec les siens, elle
fut sans doute pour lui providentielle car il devra la côtoyer et la
partager bien souvent tout au long de son ministère au Tibet. Evoquant ces
années difficiles, et les difficultés que devaient affronter sa maman, et
sa famille, il dira plus tard : «J'en ai tant vu !»
Pendant les vacances, le jeune Jean Baptiste devait
travailler pour subvenir aux besoins de sa maman, et de ses frères et
soeurs. Il le faisait volontiers et avec courage. Or, un jour que, petit
berger, il gardait le bétail, il se trouva face à un taureau furieux qui
fonça sur lui. Il échappa de justesse à un accident mortel qui lui fit
mesurer la fragilité de la vie...
C'est un jeune garçon déjà très mûr qui entre au petit Séminaire à Luçon. Il était selon ses anciens confrères le plus âgé du cours et exerçait déjà une réelle influence sur ses camarades. Son caractère conciliant et son attitude réfléchie le faisaient apprécier de tout le monde. Au surplus, c'était un élève brillant, qui obtint à la fin de ses études au Séminaire le prix d'honneur. Nous n'avons pas beaucoup d'informations sur cette période de sa vie durant laquelle il mûrit sa vocation missionnaire et adressa sa demande aux supérieurs des Missions Etrangères de Paris. L'un de ses anciens confrères se souvient pourtant de sa profonde piété et des longs moments de prière qu'il passait dans la chapelle.
Au 128, rue du Bac (siège des Missions Étrangères de Paris), en la fête de la nativité de la Sainte Vierge, le 8 septembre 1904, le supérieur du Séminaire, le Père Delpech, accueille un groupe de six vendéens aspirants pour les Missions : «Vous avez, mes bien chers amis, choisi un beau jour pour répondre à l'appel... Que la bonne Mère vous protège !». Le doyen de ce groupe était le Père Jean Baptiste Ouvrard, sous diacre de Luçon. L'année suivante, il est ordonné prêtre, pour assurer le service religieux des deux communautés de Paris et de Bièvres.
En 1905, quatre missionnaires furent assassinés aux marches tibétaines.
L’entrée au Tibet autonome était interdite. Mais la France avait la
protection de la Chine pour ces provinces. Les missionnaires s’adressaient
aux plus malheureux. Mais en leur permettant de cultiver leurs propres
terres, en leur faisant bénéficier d’une instruction gratuite et de soins,
ils permettaient aux convertis d’échapper aux impôts des lamas et aux
corvées. Sans le vouloir, par leurs œuvres de charité destinées plus à
gagner la sympathie de la population qu’à convertir, les missionnaires ont
déstabilisé l’économie des monastères des lamas.
Pour remplacer les disparus, au printemps de 1906, sur
les quatre partants, deux étaient destinés au Tibet, et l'un d’eux était
le Père Jean Baptiste Ouvrard... Au début du mois d'avril 1906, le Père
Ouvrard célébrait avec émotion sa messe d'adieu dans sa Paroisse de
Saint-Vincent-Puymaufrais. Il avait pour lui sa jeunesse : 26 ans !
Et la Foi plein le cœur !
C'était pourtant un homme au bord des larmes qui a rejoint Marseille où
l'attendait le bateau. Il a mis plusieurs mois pour atteindre son
affectation : le Yunnan tibétain.
Au lieu de remonter le Fleuve Bleu, pour atteindre leur
lointaine mission, comme le firent leurs aînés, les deux jeunes
missionnaires décident de rentrer en Chine par la voie du Tonkin.
De Laokai, point terminus de la voie ferrée, les voyageurs remontèrent en jonque le Fleuve Rouge, et de Manhao, se dirigèrent par petites étapes sur la capitale du Yunnan, où les attendait une lettre de leur Vicaire apostolique qui envoyait le Père Behr à la frontière sino-tibétaine (Il mourra 2 ans plus tard, victime d'un accident) et appelait le Père Ouvrard à Tatsienlu (aujourd’hui Kangding). Notre cavalier novice remit donc le pied à l'étrier, traversa les plateaux du Yunnan, remonta les vallées du Kientchang et arriva après une chevauchée de quarante jours au terme du voyage.
Le Père Ouvrard découvrit une société féodale, une civilisation et une
culture complètement différentes de la nôtre, et beaucoup de méfiance
vis-à-vis de ces missionnaires venus d’Europe. Que viennent-ils faire ?
Les lamas tibétains ne voient pas d'un bon œil ces représentants d'une
religion qui risque de leur enlever une partie de leur ascendant ou de
leur pouvoir sur la population. Certains missionnaires ont déjà connu
cette hostilité et l'ont payé de leur vie !
Pour l'heure et sans retard, le Père Ouvrard fut envoyé
à Lentsy, à quelque 70 km de Tatsienlu, afin de s'initier aux arcanes de
la langue chinoise. C'est d'abord la pauvreté qu'il découvrit ! Que de
fois le jeune missionnaire ne vit-t-il pas sur sa route ces pitoyables
équipes de porteurs de thé qui s'acheminaient lentement, courbés sous leur
lourd fardeau, vers Tatsienlu ? Il s'empressait à leur approche de mettre
pied à terre pour éviter de les accrocher, et aussi dit-on, pour glisser
quelques sapèques entre les doigts de tel d'entre eux qui paraissait plus
misérable. Doué d'une bonne oreille musicale, l'étudiant es langues eut
vite fait de s'habituer aux sonorités de la langue chinoise. Dès l'été
1907, l'autorité ecclésiastique le jugea apte à diriger la Paroisse de
Pémen (porte du soleil) à Tatsienlu
Sous la direction de Monseigneur Giraudeau (Vicaire
apostolique) le nouveau curé remplit de tout son cœur les devoirs de son
ministère. Suivant les traces de son prédécesseur, il manifesta une
attention spéciale envers les humbles, les enfants de ses écoles, et les
pauvres. Son zèle ne se limitait pas à sa Paroisse du Pémen : il intervint
aussi de façon très active auprès d'une communauté chrétienne en formation
dans la vallée de Ouasekeou. A l'occasion, il acceptait volontiers
d'apporter son soutien à son voisin de Chapa pour visiter les chrétiens du
Yutong.
À plusieurs reprises, lorsque la Mission du Tibet s'était trouvée
confrontée à un péril extrême, le Vicaire Apostolique s'était tourné vers
le Sacré Cœur du Christ, et lui avait promis, en retour de sa protection,
d'élever un temple en son honneur. Monseigneur Giraudeau, remarquant chez
le Père Ouvrard, de réelles dispositions pour le dessin, et
l'architecture, l'adressa au Père Sire qui achevait l'érection d'une
église gothique, destinée à devenir la cathédrale Yachow. Le Père Sire lui
fit visiter en détail son église en construction, et l'autorisa à copier
ses plans. Rentré à Tatsienlu muni de ces précieux documents, le Père
Ouvrard entreprit le chantier d'une nouvelle église à Tatsienlu.
Travailler avec des ouvriers inexpérimentés réclamait une surveillance
minutieuse. Le Père Jean Baptiste s'y entendait à merveille et mena
l'entreprise avec tact et compétence.
En Chine, la république est proclamée en décembre 1911,
et une grande agitation se propage dans le Pays. D'autres bouleversements
s'annoncent. La révolution bolchevique est déjà en marche... Le chantier
du Père Ouvrard est retardé, il est difficile de faire parvenir pierre,
bois et ciment... L'architecte et d'autres membres de la Mission doivent
même se réfugier quelque temps en des lieux plus sûrs, loin de la
frontière sino-tibétaine, car les missionnaires et les chrétiens sont
menacés par des bandes armées. En août 1912, la Cathédrale du Sacré-cœur
de Tatsienlu est ouverte au culte. Dans son commentaire, le Père
Giraudeau, Préfet Apostolique pourra écrire : «Le Père Ouvrard nous a
donné un très beau monument, devant lequel chinois et tibétains
s'extasient.»
Les incendies sont fréquents et cette église aurait brûlé en 1940. Elle a fini d’être démolie pendant la révolution culturelle après 1966.
Le curé bâtisseur ne jouira pas longtemps de son œuvre. Après un court séjour à Chapa, il est envoyé aux avants postes de la Mission, à plus de trente étapes de Tatsienlu : Tsechung est son nouveau poste, petit village relevant de la préfecture de Weixi, dans le Yunnan, situé sur une longue terrasse étroite au bord du Mékong. Les chrétiens de ce district connaissent des conditions de vie difficiles. Ils vivent chichement du produit de leurs terres, sur des terrasses taillées à même la montagne. En 1913, suite à la sécheresse, les récoltes sont mauvaises. Pour beaucoup, c'est la misère et la faim... Leur nouveau pasteur, sans comprendre leur langue, comprend leur misère et cherche à y remédier de son mieux, aidé parfois de ses amis, de sa famille en France et des dons que lui font parvenir les Missions Etrangères de Paris
. Le Tibet oriental est sillonné par trois grands fleuves (70km les
séparent à vol d’oiseau au niveau de Tsechung). Malgré l’altitude, le
climat est tempéré, voire chaud dans les vallées (à 2 000 m). La
limite de la culture du riz est 2 400 m, pour l’orge 3 600 m et
4 000 m pour le blé. Dans les terrains bas poussent les haricots, le
maïs et le sarrasin. Les missionnaires ont planté de la vigne.
Deux ans plus tard, le cœur bien lourd, le curé de
Tsechung fut nommé à Bahang dans le Pays des Loutzes. Bahang est situé
dans la vallée de la Salouen (fleuve parallèle au Mékong). Pour y
parvenir, il faut passer le col du Sila (environ 4000m d'altitude. Les
loutzes sont des gens paisibles. Ils se contentent de peu, et détestent
faire des emprunts. Leur curé put donc “redorer son blason” comme le
disaient de malicieux confrères. Il parvint même à faire quelques
économies, ce qui ne lui était jamais arrivé depuis son arrivée au Thibet.
Malheureusement, dans ces parages humides, le Père Ouvrard contacta rhumatismes, otites, amygdalites, qui lui rendirent pénible l'exercice du ministère. Il eut recours, sans succès, aux compétences d'un docteur missionnaire américain. Finalement, pendant l'hiver 1920, appelé auprès du Père Valentin malade, il traversa les deux cols (dont le Col du Sila) qui séparent les bassins de la Salouen et du Mékong, il laissa dans la neige l'œdème de ses jambes. La neige du Sila pour soigner ses rhumatismes, il fallait y penser !...
Au mois de septembre de la même année, le Père Valentin fut rappelé dans le secteur de Tatsienlu. Le Père Ouvrard dut le remplacer : c'est ainsi, qu'il retrouva avec joie ses anciens chrétiens de Tsechung qu'il avait abandonnés quelques années auparavant.
Comme curé, il dirigeait une paroisse de quelque 500 âmes dispersées dans les ravins ou à flanc de montagne sur les deux rives du Mékong. Il expliquait le catéchisme deux heures par jour et préparait les catéchumènes à recevoir le baptême Supérieur. Le Missionnaire se faisait aussi médecin, pharmacien et parfois juge de paix ... Il était aussi Supérieur Procureur de la région sino-thibétaine : relations avec les Évêques et ses confrères de la Mission du Tibet. Il faisait preuve à la fois d'une soumission cordiale vis-à-vis de ses supérieurs et de la plus fraternelle affection vis-à-vis de ses confrères. Dans chacune de ses missions, il se donnait à fond. Il se dépensait et dépensait aussi sans trop compter, laissant à la divine providence le soin de sa santé. Il faisait appel à ses amis, parfois à sa famille, pour combler les vides de sa trésorerie, car il devait faire face à la misère et aux besoins des fidèles dont il avait la charge et des païens qui venaient demander de l'aide. Pour eux, il se faisait mendiant, se contentant souvent du strict nécessaire pour lui-même. Il lui arrivait aussi d'être mis dans la nécessité de remettre une partie de l'argent de la Mission à des bandes de racketteurs, fréquentes dans la région ...afin d'éviter des pillages ou de plus graves malheurs. Les caisses du Père Ouvrard étaient souvent vides, il le reconnaissait volontiers et s’en amusait, en disant qu'il n'était pas né financier, et qu'il n'était pas de la race d'Ouvrard le Nantais (Référence à Gabriel Ouvrard mort en 1846, financier français d'origine vendéenne qui fit fortune pendant la Révolution et l’Empire)
En ce 29 juin 1930, Père Ouvrard fête le 25ème anniversaire de son ordination sacerdotale. À cette occasion ses paroissiens de Tsechung et des environs et ses confrères de la Mission Thibétaine ont décidé de fêter comme il se doit l'événement. Chrétiens et païens se joignent aux missionnaires de la région pour exprimer leur reconnaissance au Père Jean Baptiste Ouvrard et lui exprimer leurs voeux à l'occasion de son 50ème anniversaire. Ce 29 juin 1930, est une grande fête ! Père Ouvrard célèbre la Messe dans une église pleine à craquer. Beaucoup participent à la cérémonie et communient. Après la Messe, un repas gigantesque où se retrouvent environ 600 convives permet aux chrétiens, sympathisants et païens de témoigner leur joie et leur reconnaissance au Père Jean Baptiste entouré d'un grand nombre de ses confrères. Pour cette population qui connaît la faim, il y a pour une fois abondance : on sert du pain, de la viande et le traditionnel “bol de vin d'or” qui accompagne les banquets des fêtes tibétaines.
Le jubilé du Père Ouvrard coïncide avec les derniers jours de la retraite annuelle pour les missionnaires, heureux de se retrouver ensemble, dans la joie d'un partage fraternel. Le 7 juillet, tout le monde se sépare, car chacun doit retourner à ses ouailles. Comme à son ordinaire, le Père Jean Baptiste accompagne ses confrères jusqu'au bout du terre-plein sur lequel est installé la mission. « Nous le vîmes, diront-ils plus tard, agitant son chapeau avant de disparaître en un ultime adieu » C'est la dernière image que leur laisse le Père Ouvrard, leur supérieur, avant sa brutale disparition.
Pour le déroulement des événements qui vont suivre, je laisse la Parole au Père Victor Bonnemin, un jeune missionnaire récemment arrivé à Tsechung pour aider le Père Ouvrard :
« Le 15 juillet, et après quelques jours de grande chaleur, la température est devenue plus clémente. Ce soir il fait un peu frais. Après le souper, Père Ouvrard et moi-même sommes assis devant la porte. Ce dernier se plaint d'avoir un peu froid. Nous rentrons par précaution. Le lendemain. Le Père Ouvrard me signale l'appel d'un malade dont la maison est à 1h environ de Tsechung. Il décide d'aller le voir. En rentrant à la Mission, il doit réclamer l'aide d'un domestique pour descendre de cheval et regagner sa chambre. Il déclare avoir un peu de fièvre et ne se sent pas très bien, comme cela lui arrive de temps en temps. Il me demande d'aller à sa place vacciner un malade (un païen), dans un village assez éloigné (5 à 6 heures de marche). Je pars donc le jeudi matin, le Père semblait aller mieux que la veille. Le vendredi soir à mon retour, je suis surpris de constater que le malade est déjà couché. Le matin même, il avait voulu célébrer la Sainte Messe et s'était soudain évanoui devant l'autel. Il attribuait cette faiblesse à une forte dose de quinine qu'il avait absorbée la veille, en même temps qu'une purge. Il ne souffrait pas. Le samedi 19 juillet, il me sembla évident que la véritable maladie du Père Ouvrard était la typhoïde, diagnostic qu'il confirma lui-même, sans pourtant s'alarmer. J'étais moi aussi confiant. C'était la troisième ou la quatrième fois qu'il était atteint de ce mal. Comme d'habitude disait-il ce sera l'affaire de quelques jours... Dans les jours qui suivirent, le Père se levait pourtant, allait à son fauteuil, puis à son bureau. Assez souvent, j'allais lui tenir compagnie dans sa chambre. Le mercredi 23 juillet, alors que j'étais près de lui, il se mit subitement à délirer. Je l'aidai à se recoucher.
Le lendemain matin, son état était stationnaire. II eut cependant un
instant de lucidité et demanda à recevoir les derniers sacrements. Je
reçus sa confession et lui donnai l'extrême onction, puis après la
Messe, je lui apportai la communion. Le reste de la journée se passa
normalement. Dans la nuit du jeudi au vendredi, je restai auprès de lui,
craignant qu'il ne se lève avec une si forte fièvre... Le malade était
toujours dans le même état. A 2h du matin (vendredi), il commença à se
plaindre. Je vis que c'était la fin. Je lui donnai l'indulgence «in
articule mortis» et appelai les chrétiens de la Mission à venir réciter
les prières des agonisants. A 3 heures ce vendredi 25 juillet 1930, tout
est fini ! Le Père Ouvrard a rejoint la Maison du Père.
Un confrère à qui j'avais envoyé un courrier
pour lui demander de venir, arriva le soir. Les autres confrères étaient
trop loin. De l'avis de tous, Père Ouvrard a été emporté par le typhus
(fièvre typhoïde) maladie très répandue au Tibet.
Il fallut faire vite pour l'enterrement, à,
cause de la grande chaleur. Une fois de plus, les chrétiens montrèrent
leur attachement au Père Ouvrard. Pendant plus de 15 ans, ils avaient
été l'objet de son dévouement et de ses bienfaits. Souvent même, le Père
s'était mis en dette pour eux, et pour subvenir à leurs besoins les plus
pressants. Ils lui témoignèrent leur reconnaissance en priant pour le
repos de son âme. Toute la journée du vendredi et la nuit du vendredi au
samedi, il y eut du monde pour réciter des prières. L'inhumation est
célébrée le samedi. Son corps est enterré à l'ombre de son église où il
a si souvent prié.
Aujourd'hui, encore, tous ceux qui viennent à
la Mission ne partent pas sans réciter un “De profundis” sur sa tombe.
Le Père Ouvrard est enterré auprès du Père Eslande mort de la même
maladie, il y a 9 ans. Chaque jour, les religieuses vont prier pour le
repos de l'âme de leur cher supérieur. Ce sont elles aussi, qui ont orné
sa tombe.»
« En apprenant la mort du Père Ouvrard, tous ses confrères éprouvèrent
une grande peine. En Pays de Mission, on s'attache les uns aux autres
davantage qu'en France. Cela se comprend ! On est loin de sa Patrie, de
sa Famille, au milieu de chrétiens et de païens aux mœurs tout à fait
différentes des nôtres. Entre missionnaires, on est comme des frères.
Depuis 6 mois, je vivais auprès du Père Jean Baptiste. Je n'ai jamais eu
à me plaindre de quoi que ce soit ! Au contraire, il aurait tout
sacrifié pour me faire plaisir, pour me donner l'impression d'être
encore dans la famille que j'avais quittée en septembre dernier.
Maintenant que je suis seul, je m'en aperçois. Je ne croyais pas en
débarquant à Tsechung le 25 janvier dernier que la première Extrême
Onction que j'administrerais serait pour le Père Ouvrard... Le Bon Dieu
l'a voulu ainsi, que son Saint Nom soit béni I » (Fin du témoignage du
Père Victor Bonnenin).
Ceux qui ont connu ou simplement approché le Père
Ouvrard sont unanimes à proclamer que la bonté fut le trait distinctif de
son caractère, bonté envers ses chrétiens, ses confrères ou les hôtes d'un
jour. L'un d'eux, Ministre de culte protestant du voisinage écrira : «Le
Saint de Tsechung n'est plus !»
Loin, très loin du Tibet, à Saint-Vincent-Puymaufrais,
la nouvelle de la mort du Père Ouvrard arriva avec retard, et atteignit
douloureusement la famille et les amis : « Jean Baptiste ne reviendra
pas ! » Il a rejoint la liste déjà longue des missionnaires qui ont
donné leur vie pour l'Eglise du Tibet. Le lundi 20 octobre, dans l'église
où le Père Ouvrard a tant de fois prié, un office religieux a été célébré
pour le vaillant missionnaire. M. le Curé très ému, devant une église
comble, fit l'éloge du missionnaire : un enfant du pays qui a donné sa
jeunesse et 24 années de sa vie pour porter l'Evangile à ce peuple
Tibétain qu'il a tant aimé ! La “Semaine Catholique”, revue publiée par le
diocèse de Luçon rappelle brièvement la vie et l'œuvre du Père Ouvrard,
prêtre originaire du diocèse (édition du 15 novembre 1930), et conclut par
cette réflexion : « II a beaucoup souffert pendant 24 ans de Mission
au Tibet, pour mériter la récompense de ceux qui ont porté simplement la
croix du Christ »
Les trois quarts du village et des environs sont catholiques, (environ 1 300 fidèles).L’église est desservie par un prêtre originaire de Mongolie, envoyé ici par le diocèse de Kunming (non reconnu par Rome), le P Yao Fei, nommé en 2008, premier curé depuis l’expulsion des missionnaires en 1952.