Jean Baptiste O
Quant à la pauvreté qu'il connut avec les siens, elle
fut sans doute pour lui providentielle car il devra la côtoyer et la
partager bien souvent tout au long de son ministère au Tibet. Évoquant ces
années difficiles, et les difficultés que devaient affronter sa maman, et
sa famille, il dira plus tard : «J'en ai tant vu !»
Pendant les vacances, le jeune Jean Baptiste devait
travailler pour subvenir aux besoins de sa maman, et de ses frères et
soeurs. Il le faisait volontiers et avec courage. Or, un jour que, petit
berger, il gardait le bétail, il se trouva face à un taureau furieux qui
fonça sur lui. Il échappa de justesse à un accident mortel qui lui fit
mesurer la fragilité de la vie...
C'est un jeune garçon déjà très mûr qui entre au petit Séminaire à Luçon. Il était selon ses anciens confrères le plus âgé du cours et exerçait déjà une réelle influence sur ses camarades. Son caractère conciliant et son attitude réfléchie le faisaient apprécier de tout le monde. Au surplus, c'était un élève brillant, qui obtint à la fin de ses études au Séminaire le prix d'honneur. Nous n'avons pas beaucoup d'informations sur cette période de sa vie durant laquelle il mûrit sa vocation missionnaire et adressa sa demande aux supérieurs des Missions Étrangères de Paris. L'un de ses anciens confrères se souvient pourtant de sa profonde piété et des longs moments de prière qu'il passait dans la chapelle.
Au 128, rue du Bac (siège des Missions Étrangères de Paris), en la fête
de la nativité de la Sainte Vierge, le 8 septembre 1904, le supérieur du
Séminaire, le Père D
En 1905, quatre missionnaires furent assassinés aux marches tibétaines.
L’entrée au Tibet autonome était interdite. Mais la France avait la
protection de la Chine pour ces provinces. Les missionnaires s’adressaient
aux plus malheureux. Mais en leur permettant de cultiver leurs propres
terres, en leur faisant bénéficier d’une instruction gratuite et de soins,
ils permettaient aux convertis d’échapper aux impôts des lamas et aux
corvées. Sans le vouloir, par leurs œuvres de charité destinées plus à
gagner la sympathie de la population qu’à convertir, les missionnaires ont
déstabilisé l’économie des monastères des lamas.
Pour remplacer les disparus, au printemps de 1906, sur
les quatre partants, deux étaient destinés au Tibet, et l'un d’eux était
le Père Jean Baptiste O
C'était pourtant un homme au bord des larmes qui a rejoint Marseille où
l'attendait le bateau. Il a mis plusieurs mois pour atteindre son
affectation : le Yunnan tibétain.
Au lieu de remonter le Fleuve Bleu, pour atteindre leur
lointaine mission, comme le firent leurs aînés, les deux jeunes
missionnaires décident de rentrer en Chine par la voie du Tonkin.
De Laokai, point terminus de la voie ferrée, les voyageurs remontèrent
en jonque le Fleuve Rouge, et de Manhao, se dirigèrent par petites étapes
sur la capitale du Yunnan, où les attendait une lettre de leur Vicaire
apostolique qui envoyait le Père B
Le Père O
Pour l'heure et sans retard, le Père O
Sous la direction de Monseigneur G
À plusieurs reprises, lorsque la Mission du Tibet s'était trouvée
confrontée à un péril extrême, le Vicaire Apostolique s'était tourné vers
le Sacré Cœur du Christ, et lui avait promis, en retour de sa protection,
d'élever un temple en son honneur. Monseigneur G
En Chine, la république est proclamée en décembre 1911,
et une grande agitation se propage dans le Pays. D'autres bouleversements
s'annoncent. La révolution bolchevique est déjà en marche... Le chantier
du Père O
Les incendies sont fréquents et cette église aurait brûlé en 1940. Elle a fini d’être démolie pendant la révolution culturelle après 1966.
Le curé bâtisseur ne jouira pas longtemps de son œuvre. Après un court séjour à Chapa, il est envoyé aux avants postes de la Mission, à plus de trente étapes de Tatsienlu : Tsechung est son nouveau poste, petit village relevant de la préfecture de Weixi, dans le Yunnan, situé sur une longue terrasse étroite au bord du Mékong. Les chrétiens de ce district connaissent des conditions de vie difficiles. Ils vivent chichement du produit de leurs terres, sur des terrasses taillées à même la montagne. En 1913, suite à la sécheresse, les récoltes sont mauvaises. Pour beaucoup, c'est la misère et la faim... Leur nouveau pasteur, sans comprendre leur langue, comprend leur misère et cherche à y remédier de son mieux, aidé parfois de ses amis, de sa famille en France et des dons que lui font parvenir les Missions Étrangères de Paris
. Le Tibet oriental est sillonné par trois grands fleuves (70km les
séparent à vol d’oiseau au niveau de Tsechung). Malgré l’altitude, le
climat est tempéré, voire chaud dans les vallées (à 2 000 m). La
limite de la culture du riz est 2 400 m, pour l’orge 3 600 m et
4 000 m pour le blé. Dans les terrains bas poussent les haricots, le
maïs et le sarrasin. Les missionnaires ont planté de la vigne.
Deux ans plus tard, le cœur bien lourd, le curé de
Tsechung fut nommé à Bahang dans le Pays des Loutzes. Bahang est situé
dans la vallée de la Salouen (fleuve parallèle au Mékong). Pour y
parvenir, il faut passer le col du Sila (environ 4000m d'altitude. Les
loutzes sont des gens paisibles. Ils se contentent de peu, et détestent
faire des emprunts. Leur curé put donc “redorer son blason” comme le
disaient de malicieux confrères. Il parvint même à faire quelques
économies, ce qui ne lui était jamais arrivé depuis son arrivée au Thibet.
Malheureusement, dans ces parages humides, le Père O
Au mois de septembre de la même année, le Père V
Comme curé, il dirigeait une paroisse de quelque 500 âmes dispersées
dans les ravins ou à flanc de montagne sur les deux rives du Mékong. Il
expliquait le catéchisme deux heures par jour et préparait les
catéchumènes à recevoir le baptême Supérieur. Le Missionnaire se faisait
aussi médecin, pharmacien et parfois juge de paix ... Il était aussi
Supérieur Procureur de la région sino-thibétaine : relations avec les
Évêques et ses confrères de la Mission du Tibet. Il faisait preuve à la
fois d'une soumission cordiale vis-à-vis de ses supérieurs et de la plus
fraternelle affection vis-à-vis de ses confrères. Dans chacune de ses
missions, il se donnait à fond. Il se dépensait et dépensait aussi sans
trop compter, laissant à la divine providence le soin de sa santé. Il
faisait appel à ses amis, parfois à sa famille, pour combler les vides de
sa trésorerie, car il devait faire face à la misère et aux besoins des
fidèles dont il avait la charge et des païens qui venaient demander de
l'aide. Pour eux, il se faisait mendiant, se contentant souvent du strict
nécessaire pour lui-même. Il lui arrivait aussi d'être mis dans la
nécessité de remettre une partie de l'argent de la Mission à des bandes de
racketteurs, fréquentes dans la région ...afin d'éviter des pillages ou de
plus graves malheurs. Les caisses du Père O
En ce 29 juin 1930, Père O
Le jubilé du Père O
Pour le déroulement des événements qui vont
suivre, je laisse la Parole au Père Victor B
« Le 15 juillet, et après quelques jours de grande chaleur, la température est devenue plus clémente. Ce soir il fait un peu frais. Après le souper, Père O
uvrard et moi-même sommes assis devant la porte. Ce dernier se plaint d'avoir un peu froid. Nous rentrons par précaution. Le lendemain. Le Père Ouvrard me signale l'appel d'un malade dont la maison est à 1h environ de Tsechung. Il décide d'aller le voir. En rentrant à la Mission, il doit réclamer l'aide d'un domestique pour descendre de cheval et regagner sa chambre. Il déclare avoir un peu de fièvre et ne se sent pas très bien, comme cela lui arrive de temps en temps. Il me demande d'aller à sa place vacciner un malade (un païen), dans un village assez éloigné (5 à 6 heures de marche). Je pars donc le jeudi matin, le Père semblait aller mieux que la veille. Le vendredi soir à mon retour, je suis surpris de constater que le malade est déjà couché. Le matin même, il avait voulu célébrer la Sainte Messe et s'était soudain évanoui devant l'autel. Il attribuait cette faiblesse à une forte dose de quinine qu'il avait absorbée la veille, en même temps qu'une purge. Il ne souffrait pas. Le samedi 19 juillet, il me sembla évident que la véritable maladie du Père Ouvrard était la typhoïde, diagnostic qu'il confirma lui-même, sans pourtant s'alarmer. J'étais moi aussi confiant. C'était la troisième ou la quatrième fois qu'il était atteint de ce mal. Comme d'habitude disait-il ce sera l'affaire de quelques jours... Dans les jours qui suivirent, le Père se levait pourtant, allait à son fauteuil, puis à son bureau. Assez souvent, j'allais lui tenir compagnie dans sa chambre. Le mercredi 23 juillet, alors que j'étais près de lui, il se mit subitement à délirer. Je l'aidai à se recoucher.
Le lendemain matin, son état était stationnaire. II eut cependant un instant de lucidité et demanda à recevoir les derniers sacrements. Je reçus sa confession et lui donnai l'extrême onction, puis après la Messe, je lui apportai la communion. Le reste de la journée se passa normalement. Dans la nuit du jeudi au vendredi, je restai auprès de lui, craignant qu'il ne se lève avec une si forte fièvre... Le malade était toujours dans le même état. A 2h du matin (vendredi), il commença à se plaindre. Je vis que c'était la fin. Je lui donnai l'indulgence «in articule mortis» et appelai les chrétiens de la Mission à venir réciter les prières des agonisants. A 3 heures ce vendredi 25 juillet 1930, tout est fini ! Le Père O
uvrard a rejoint la Maison du Père.
Un confrère à qui j'avais envoyé un courrier pour lui demander de venir, arriva le soir. Les autres confrères étaient trop loin. De l'avis de tous, Père Ouvrard a été emporté par le typhus (fièvre typhoïde) maladie très répandue au Tibet.
Il fallut faire vite pour l'enterrement, à, cause de la grande chaleur. Une fois de plus, les chrétiens montrèrent leur attachement au Père Ouvrard . Pendant plus de 15 ans, ils avaient été l'objet de son dévouement et de ses bienfaits. Souvent même, le Père s'était mis en dette pour eux, et pour subvenir à leurs besoins les plus pressants. Ils lui témoignèrent leur reconnaissance en priant pour le repos de son âme. Toute la journée du vendredi et la nuit du vendredi au samedi, il y eut du monde pour réciter des prières. L'inhumation est célébrée le samedi. Son corps est enterré à l'ombre de son église où il a si souvent prié.
Aujourd'hui, encore, tous ceux qui viennent à la Mission ne partent pas sans réciter un “De profundis” sur sa tombe. Le Père Ouvrard est enterré auprès du Père Eslande mort de la même maladie, il y a 9 ans. Chaque jour, les religieuses vont prier pour le repos de l'âme de leur cher supérieur. Ce sont elles aussi, qui ont orné sa tombe.»
« En apprenant la mort du Père O
uvrard , tous ses confrères éprouvèrent une grande peine. En Pays de Mission, on s'attache les uns aux autres davantage qu'en France. Cela se comprend ! On est loin de sa Patrie, de sa Famille, au milieu de chrétiens et de païens aux mœurs tout à fait différentes des nôtres. Entre missionnaires, on est comme des frères. Depuis 6 mois, je vivais auprès du Père Jean Baptiste. Je n'ai jamais eu à me plaindre de quoi que ce soit ! Au contraire, il aurait tout sacrifié pour me faire plaisir, pour me donner l'impression d'être encore dans la famille que j'avais quittée en septembre dernier. Maintenant que je suis seul, je m'en aperçois. Je ne croyais pas en débarquant à Tsechung le 25 janvier dernier que la première Extrême Onction que j'administrerais serait pour le Père Ouvrard ... Le Bon Dieu l'a voulu ainsi, que son Saint Nom soit béni I » (Fin du témoignage du Père Victor Bonnenin ).
Ceux qui ont connu ou simplement approché le Père Ouvrard sont unanimes à proclamer que la bonté fut le trait distinctif de son caractère, bonté envers ses chrétiens, ses confrères ou les hôtes d'un jour. L'un d'eux, Ministre de culte protestant du voisinage écrira : «Le Saint de Tsechung n'est plus !»
Loin, très loin du Tibet, à
Saint-Vincent-Puymaufrais, la nouvelle de la mort du Père O
Les trois quarts du village et des environs sont catholiques, (environ
1 300 fidèles).L’église est desservie par un prêtre originaire de
Mongolie, envoyé ici par le diocèse de Kunming (non reconnu par Rome), le
P Y