Histoire des boulangeries à Bournezeau

Histoire du pain en quelques mots…

Le pain est la base de notre alimentation depuis des millénaires. C’est une longue histoire qui a commencé 8000 ans avant JC :

Les civilisations méditerranéennes ont été les premières à en confectionner. Les égyptiens cuisaient du pain sans levain. Ils ont découvert le levain par hasard. Les grecs et les romains ont utilisé des levures de vin conservées dans des amphores. Les gaulois utilisaient l’écume de boisson céréalière (bière) et obtenaient un pain plus léger.

Il a été le pain de famine au Moyen-Âge. A partir de 1050, obligé d’utiliser le moulin et le four banaux, chaque foyer devait payer le ban <>. C’est l’origine du métier de talmelier, l’ancêtre du boulanger.

Des marches de la faim ont eu lieu pendant la Révolution Française (Pensez au boulanger, à la boulangère et au petit mitron,surnoms donnés à Louis XVI, Marie-Antoinette et le dauphin les 5 et 6 octobre 178Les français ont mangé du pain noir et très rationné pendant la guerre. Après la guerre, ils ont pris goût au pain blanc. Le pain a été un signe d’opulence et de misère…

La vie de la boulangerie autrefois.

Le bulletin communal de juillet 1998 cite dans un article la liste des métiers exercés à Bournezeau autour des années 1920, dont pour les deux boulangeries en place : Alphonse CHAT-VERRE et veuve Alcide GUITTON.Cette liste des métiers paraît également dans ce numéro page 16.Le fournil reste au même endroit, lieu appelé rue nationale, route de la Roche ou rue Jean Grolleau. Il aura connu deux guerres (14-18 et 39-45).

Les premiers portages de pain se sont faits à la brouette, puis en voiture à cheval (photo de "Mouton" l’Ardennais ci-dessous) ensuite sont arrivés les fameux véhicules à moteurs (gazogènes), enfin, ceux à essence, les fourgons.


Gaston GIRAUDEAU père et son cheval ardennais
“Mouton” en tournée de pains vers 1942

Un répertoire conservé et tenu par la femme d’Alcide GUITTON (et sa fille) donne une idée du travail des boulangers. A l’époque, il y avait encore peu de moyens et de machines, tout se faisait à la force des poignets : pétrissage de la pâte, découpage, pesage, mise en place de la pâte dans de grands tiroirs en bois. Enfin, après levage, la mise au four avec la poignée de farine et le coup de grigne, lame pour fendre la pâte et lui donner son bel aspect de pain et sa croûte croustillante.

Auparavant, le four était d’abord chauffé à la fournille. Il avait donc fallu (opération non sans risque) sortir ces braises incandescentes, les mettre dans des étouffoirs, énormes chaudrons fermés, où ces mêmes braises étaient conservées l’hiver, entre autre pour les chaufferettes. En effet, les grand-mères du quartier se réjouissaient de trouver de la “braisette” pour remplir leurs chauffe-pieds. La dernière opération avant d’enfourner était de passer la “nippe”, long manche en bois muni d’une solide serpillère mouillée, pour nettoyer les cendres des carreaux.

Ce travail de nuit était très éprouvant, avec le chauffage au bois qui demandait beaucoup de manipulations. Les bras du boulanger étaient aussi deux outils précieux : la farine entreposée dans le grenier tombait dans une “manche”, sorte de tuyau en coton qui évitait les projections de farine vers le pétrin en chêne situé dans le fournil. Farine, eau, sel, levure, les quatre ingrédients essentiels pour la fabrication du pain étaient malaxés, retournés maintes et maintes fois par ces deux bras solides et vigoureux... Et l’on n’entendait plus que les “han-han”du boulanger dans le fournil.

Les deux pâtisseries principales confectionnées étaient la brioche et le gâteau de Savoie. La brioche de Pâques (pacaude) était non tressée et remportait beaucoup de succès.

Le savoie était confectionné dans une bassine en cuivre (cul-de-poule). On le commandait souvent pour les mariages et les baptêmes. Il était décoré de sucre glace, saupoudré à l’aide de pochoirs métalliques représentant des roses ou “Bonne Fête et Joyeux anniversaire. Pour les mariages, on ajoutait des dragées blanches et des bleues ou roses à l’occasion des baptêmes. La boulangère mettait souvent la main à la pâte (si l’on peut dire !) en aidant son mari pour les décorations.

Parfois, quand les carreaux réfractaires (32 centimètres au carré, 6 centimètres d’épaisseur) sont trop craquelés par le feu, des ouvriers spécialisés viennent les changer, en rampant au fond du four ! Bonjour le confort et la poussière ! Mais une cheminée située au fond du four permettait aussi le mouillage des carreaux (Il fallait prévenir l’étouffement) et l’évacuation d’un excès de chaleur.

Dans un vaste grenier, toujours au-dessus du fournil actuel, le répertoire note après la guerre, un 16 mai, la rentrée par charrette à bœufs de 801 fagots de fournilles et le 16 août suivant, la rentrée de 425 fagots de fournilles de bois et de 125 fagots de laurier, tous montés à la fourche par la rue de l’Ancienne Mairie.

Dans les fermes on livrait beaucoup de pains de 6 livres et de 4 livres : Pour 1 mois : 15 pains de 6 L. à la Fraignaie, 42 pains de 6 L. à Villeneuve, 77 pains de 6 L. à l’Augoire, 157 pains de 6 L. à la Perdrière. Les batteries (ou battages) et les noces, grands rendez- vous festifs locaux de plusieurs jours, augmentaient d’autant plus la demande et le travail.

Des ventes se faisaient régulièrement entre le commerce et les clients du bourg, de la campagne, des fermes et des châteaux : sacs de son, doubles de son, kilos de pâte, sacs de farine et pochées de 44 kg de farine précisément.

Après la seconde guerre, on note un reçu de Monsieur PUAUD de 72 livres de farine à valoir sur la “coche” : baguette en noisetier qui servait à compter le nombre de pains délivrés. Une coche sur laquelle on pouvait compter de 45 à 65 coches, avait toujours son double (une chez le client, une chez le boulanger). Certaines personnes de Bournezeau ont gardé leur ancienne coche.

Pour les fêtes, on faisait aussi des pièces montées (de 9 à 11 roues), des savoies, des brioches, la fameuse galette de Pâques que l’on s’arrachait la semaine Pascale et que l’on portait à la noce, à bout de bras, pour la danser. Brioche pascale que l’on venait aussi chercher de très loin, voire de Nantes et même de Paris.

Sans dévoiler un secret ni le tour de main, pour une brioche de 100 livres, il fallait compter 100 œufs, 12 livres de sucre, 10 livres de beurre, 18 livres de levain et ¾ de bassine d’eau.

A l’époque, on ne connaissait pas encore les colorants ni les adjuvants. Normal : Autre temps, autre méthode. Seulement la vie était calme, moins stressée et plus conviviale. Aujourd’hui, le travail reste toujours le travail !

Tout ce temps-là est révolu. La mécanisation, les appareils électriques sont venus révolutionner et apporter un confort notoire à la profession. Mais nous tenons à dire (sans être cocorico) et en nous appuyant sur des études récentes, que le pain français reste le meilleur au monde.

Noms des boulangers de Bournezeau avant 1900

La date est celle où le métier a été mentionné pour la première fois dans l’état civil ou dans les registres paroissiaux.

Les boulangeries de Bournezeau

1 - Noms des boulangers qui ont précédé le boulanger Sicot

1882 -CLÉMENCEAU Hilaire route de St-Martin. Ouvrier : Saget Henri.
1906- CHIRON Alphonse né en 1878 et marié à Rouillon Hyacinthe née en 1876. Ses ouvriers Parage Victor et Beaufour Gustave, rue du Centre.
1908 - CHAT-VERRE Alphonse, né en 1876 à Oulmes, demeurant route de la Gare, a acheté la boulangerie à Chiron Alphonse en décembre 1908.
1940 - CHAT-VERRE Alphonse fils lui succède jusqu’en 1967.


Photo du four de la boulangerie Sicot en 1990

On trouve trace de quelques ouvriers ou apprentis : Abel Bocquier (pendant la guerre).Gabriel Hervouet, Joseph Malik, Claude Nauleau (apprenti), Jean-Marc Pontoizeau(apprenti), Maurice Coulon (apprenti), Michel Lambert, Bernard Meunier.

1967 - GUILBAUD Robert.
1985 - SICOT Guy et Pascale à ce jour.

Estimation du matériel de la boulangerie, selon un acte notarié,
lors de l’installation d'Alphonse Chat-Verre en 1908

- Clientèle et achalandage.

- Meubles et objets immobiliers servant à l’exploitation du dit fonds et dont les principaux sont ci-après détaillés :

1) Un pétrin en chêne estimé 300 Francs ;
2) Un Parisien estimé 100 Francs (c’est un long tiroir où sont entreposés les pâtons avant enfournement) ;
3) Divers bannetons ou pannetons estimés 100 F ;
4) Une machine à gâteaux et sa bassine en cuivre : 250 Francs ;
5) Divers moules à gâteaux, estimés 100 Francs ;
6) Un étouffoir en tôle estimé 50 Francs ;
7) Un jeu de pelles à four et un râble en fer creux, 80 Francs ;
8) Un lot de couches et flanelles estimé 50 Francs ;
9) Deux paires de balances et leurs séries de poids, 20 Francs ;
10) Une bascule et ses poids, estimés 30 Francs ;
Un cheval blanc appelé “Dragon” et ses harnais et une voiture forme break servant au transport du pain ;

2 - Noms des boulangers qui ont précédé le boulanger Douin

1841 - TRÉNIT Pierre fils. Il avait alors trois ouvriers, dont 2 frères : Benjamin, 18 ans, Joseph 21 ans, et Renoud Ferdinand, 29 ans. En 1851, Auguste Pasquereau 25 ans était ouvrier. En 1866 Daniel Majou était ouvrier boulanger, il habitait route de Napoléon, comme Pierre Trénit.

1868 - RENOUD Hyppolite. Il a pris la succession de son beau-père Pierre Trénit à son décès. En 1886,son frère Renoud Firmin 26 ans était ouvrier, il habitait route de Sainte-Hermine.

De 1896 à 1921 - GUITTON Alcide, né à St Juire en 1870. Quelques noms d’ouvriers entre 1901 et 1911 : Falaise Jules demeurant rue du Champ de Foire, Crépeau Léon, Thomelet Alexandre, employé, et Verdon Auguste livreur de pains.

1921 à 1923 - GUITTON Marie, épouse d’Alcide.Au décès d’Alcide Guitton, sa veuve Marie Guitton (née Châtaigner) figurait sur le registre commercial comme propriétaire légale jusqu’en 1958. Giraudeau Gaston (père), était déjà ouvrier à la boulangerie et veuf en premier mariage de Marie Boilard. Il épousa Henriette Guitton, fille de Marie et d’Alcide le 2 novembre 1923 Il reçut la médaille de la Fédération Française de la Boulangerie.

 
Gaston Giraudeau et Alphonse Chat-Verre
ont eu la médaille de la Fédération Française de la Boulangerie.

1923 – GIRAUDEAU Gaston. En 1937, il était patron de l’exploitation, avec 2 compagnons et 1 apprenti. Il était maître artisan inscrit au registre des métiers, mais ne devint le propriétaire qu’à la mort de sa belle-mère en 1958 et jusqu’en 1962.

1962 à 1973 - GIRAUDEAU Gaston (fils).

1973 à 1983 - GIRAUDEAU Michel (petit-fils).

De 1896 à 1983, il y a eu 4 générations de boulangers de la même famille.

1983 à 2006 - PETIT Pascal et Huguette.

2006 - DOUIN Patrick et Angélique.


de g à d : L’apprenti Gaby Chtaneau, les ouvriers René Blanchard et Gaston Giraudeau fils,
le patron Gaston Giraudeau avec son 7ème enfant, René, dans ses bras

Une boulangerie dans un autre lieu ?

Il y avait peut- être un autre boulanger, dans un autre lieu, puisque nous avons trouvé un très grand four, au 4 place du Commerce, (autrefois appelé Champ de Foire) à côté de chez Pierre Mercereau. Cette maison a été construite en 1891 par Bénéteau Narcisse (1857/1932). Le four existait peut-être avant sa construction. On estime les dimensions de ce four à plus de 12 m2avec en voute, le trou bouché par des pierres, servant d’accès en cas de réparation. A quelques pas du four, il y avait une trappe encore visible, pour descendre les sacs de farine.


Ce four se situe au sous sol.

La trappe pour la descente des sacs de farine

On ne connaît pas le nom du boulanger qui aurait pu exercer son métier dans ce lieu. Mais on a observé dans les recensements qu’en 1851, Ragon Victor est déclaré propriétaire boulanger et il habitait le Champ de Foire. Peut-être exerçait-il dans ce lieu ? De 1856 à 1866, il avait deux ouvriers, Mandin Auguste 50 ans et son fils Ragon Victor. Ce dernier a peut-être été boulanger dans ce lieu avant l’arrivée de Clémenceau en 1882, prédécesseur de la Boulangerie Sicot.

A une dizaine de mètres de ce four, dans le jardin de Pierre Mercereau, il y avait un vieux four aujourd’hui recouvert d’une pelouse. Il a probablement été remplacé par celui qui était sous la maison créée en 1891.

Avant 1920, au 4 place du Commerce, il y avait un dépôt de pains tenu par Narcisse Bénéteau, ce dernier était surnommé “Maspain”. Il y a quelques décennies, on pouvait voir l’inscription “Pain” à la verticale sur le mur. On ne sait pas où il s’approvisionnait.

Un autre four de petites dimensions, se trouvait dans le quartier de la Tête Noire. En partie déconstruit, au lieu-dit “La Villalise”chez le père Ernest Chupeau. Trénit Pierre père, boulanger, exerçait peut-être dans ce lieu puisqu’il habitait à l’Alouette en 1836 ?

René Giraudeau et Louisette Guyonnet