Aujourd’hui comme hier, la vigne et le vin attirent et captivent l'homme, car celui-ci aime à retrouver dans la noble plante un symbole idéaliste de sa propre vie : durée de l'existence, profondeur de l'enracinement, ténacité face aux coups du sort, fragilité des promesses de récolte. Dans ses réalités quotidiennes la viticulture est souvent assez éloignée de ces images poétiques. Elle est à la fois un art et une technique en constante évolution, la mise en œuvre de connaissances professionnelles toujours renouvelées. La culture de la vigne et l'élevage du vin n'ont cessé d’évoluer au cours de l’histoire de l'humanité, du plant sauvage à nos meilleurs cépages du 21ème siècle.
L'origine de la vigne se perd dans la nuit des temps. Des fossiles
du tertiaire ont été retrouvés en Champagne et dans de nombreuses parties
du globe. Les spécialistes s’accordent à situer les débuts de la
viticulture en Asie mineure à 9 000 ans avant Jésus-Christ. Là,
furent vraisemblablement les premiers consommateurs de vin.
Les Égyptiens cultivaient la vigne 3 000 ans avant
Jésus-Christ et faisaient du vin. Ce sont les Égyptiens qui ont appris aux
Grecs à cultiver la vigne et ces derniers l’ont transmis aux Romains.
L'arrivée de la vigne en Gaule remonte à 600 ans avant
Jésus-Christ. En Bas-Poitou (Vendée) la vigne était connue avant l'arrivée
des Romains. Comme ailleurs en Gaule, ces derniers ont changé certaines
coutumes. Ce sont les Romains qui ont perfectionné le vignoble Gaulois,
mais les Gaulois ont fait connaître le fût de bois aux Romains.
Au Moyen-âge la vigne était cultivée en enclos, connus sous le nom de fiefs. La coutume du Poitou leur réservait un régime protecteur. L'église a développé considérablement les surfaces viticoles. Elle a contribué à l'amélioration des vins au Moyen-âge (Fiefs, vin de messe).
Au 19ème siècle, après la révolution de 1789, propriétaires privés
et négociants ont pris la relève des religieux et des seigneurs.
Si la vigne était cultivée en Bas-Poitou à l'époque Romaine, il est
fort probable et même sûr qu'elle l'était à Bournezeau-Saint-Vincent.
Bournezeau avec son château, était propriétaire de moulins à vent,
donc la culture du blé existait. Il y avait forcément culture de la
vigne : qui dit pain, dit vin. Un seul indice non écrit, logique, qui
nous reste de ce temps-là est : Le Fief-du-Château, dont le nom de fief
remonte à cette époque pour prouver son appartenance au château.
Après la Révolution, qui vendit les biens de l'église et biens
seigneuriaux abandonnés, beaucoup de petites gens achetèrent quelques
arpents de terre, quand les Vendéens touchèrent quelques indemnités pour
les dommages causés par la Révolution.
Au milieu du 19ème siècle, existaient beaucoup de petites fermes
familiales (borderies de 5 à 10 hectares). Et il n'était pas rare de voir
dans ces petites exploitations la culture de la vigne prenant une surface
de 1 à 2 hectares et ce, jusqu'aux années 1960. Les grands fiefs se sont
partagés entre une multitude de petits propriétaires
Quelques chiffres sur l’évolution des surfaces de vignes cultivées
en Vendée :
L'homme qui a marqué le plus la viticulture Vendéenne est le Frère
Bécot, professeur à l'école d'agriculture de la Mothe-Achard. Il y créa
des parcelles expérimentales, donnant des cours sur la culture de la vigne
et l’élevage du vin. Il a donné de nombreuses informations des résultats
obtenus sur ses parcelles expérimentales, en écrivant de nombreux articles
sur “la Vendée Agricole” des années 1950 /1960. Il a prononcé beaucoup de
conférences sur la vigne et le vin. Il a visité de nombreuses caves du
département.
Les maladies de la vigneEn 1869 apparut le phylloxéra. Venu des
Amériques, il détruisit l'ensemble du vignoble Français et Européen en
moins de vingt ans. Vingt ans d'efforts furent nécessaires pour
reconstituer le vignoble, en greffant les cépages européens sur des plants
américains résistants au phylloxéra. Apparurent également les premiers
hybrides, résistants eux aussi au phylloxéra.
Le greffage a permis de sauver les plants nobles Européens, pour
les professionnels. Les hybrides ont sauvé les cultures familiales, très
nombreuses à l'époque. Avec l'arrivée du phylloxéra, apparurent aussi le
mildiou et l'oïdium.
À Saint-Vincent-Puymaufrais de 1882 à 1898, 80 hectares ont été
attaqués par le phylloxéra. 82 hectares ont été replantés. Seulement 2
hectares avaient été épargnés. Il est bien difficile de connaître les
surfaces exactes touchées et replantées de cette époque car les
déclarations étaient plus ou moins faites par les gens qui ne savaient ni
lire et écrire. De plus, l'administration était encore pour eux une bête
noire issue de la Révolution.
Le tableau suivant indique le nombre de pieds déclarés, mais
combien ont été touchés ?
La culture de la vigne est réglementée en Europe, comme dans
beaucoup de pays du monde. Déjà, en France, il existe pour chaque
département une liste de cépages autorisés en culture.
La culture de la vigne est sujette à déclaration auprès des
services des douanes. Chaque récoltant doit chaque année faire une
déclaration de récolte auprès des douanes, service de la viticulture, via
la mairie. Les cépages ne sont pas tous autorisés en culture en Vendée. À
Bournezeau, il y a eu 70 déclarations de récolte en 2014.
Jusqu'en 1956 tous les récoltants déclarés ont obtenu un droit de
brûler (soit 1000° d'eau de vie par an). Les droits se sont arrêtés avec
cette année 1956.
Avant le phylloxéra, les principaux cépages cultivés en Vendée
étaient la Folle blanche et le Ragoûtant (Négrette de Toulouse). Quelques
pieds en direct ayant été épargnés par cet insecte, existaient en 1970 sur
une parcelle de Noah à Touvent chez M. Poiraud, ce qui prouve l'existence
de ces cépages à Bournezeau.
Suite à cette catastrophe, les viticulteurs de Bournezeau-St
Vincent se mirent à cultiver les hybrides Américains: Noah, Clinton,
Othello. Ce fut une catastrophe : ces cépages avaient tous un goût
foxé et herbacé très prononcé. Les hybrideurs Français se sont lancés dans
une recherche qui fut longue et laborieuse de 1880 à 1960 environ. Il est
peut-être dommage qu’ils se soient arrêtés en route, car ils auraient pu
trouver de nouveaux cépages moins sensibles aux maladies et insectes
ravageurs. Parmi les meilleurs hybrides Français cultivés aujourd'hui,
citons: le Plantet (Seibel 54-55), le Landal (Landot 244), le Chambourcin
(Johannès Seyve 26 205), le Léon Millot (Kulman 194-2), le Ravat
blanc (Ravat 6), le Rubillande (Seibel 11 803) le Seyval (Seyve
villard 5 276) le Villard noir (Seyve Villard 18 315).
Il en a existé plus de deux cent variétés.
L’hybridation est la fécondation de fleurs de deux cépages hybrides
différents dont on récolte les graines que l'on sème pour obtenir un
nouveau cépage. (ex: le Landal croisement de 5455 Seibel et 8216 Seibel).
Le métissage est la fécondation d’une fleur d'hybride avec une
fleur de cépage Européen, ex: la folle blanche et Baco blanc qui ont donné
le Vidal-St-Emilion 256.
À part quelques petites parcelles ici ou là, la vigne était
cultivée en fief à Bournezeau : Fief du château, Raynere, Pâtis-Caillerot,
Champ- du-Genêt, la Gasse, le Moulin, le Ceriset-rond etc...
À Saint-Vincent : le Fromenteau, l'Augoire, le Plessis, la
Fradinière etc...
La palette des cépages ne se limite pas aux vedettes du moment
(Chardonnay, Merlot, Cabernet, Ragoûtant, Gamay, 54-55, 18 315,
26 205 ou Landot 244, etc). La vigne constitue un patrimoine culturel
considérable par la diversité de ses variétés trop souvent ignorée.
Pierre GALET dans son dictionnaire encyclopédique des cépages en a
recensé plus de 9 600 à travers le monde.
La culture annuelle de la vigne exige un grand suivi.
La taille : À chaque cépage, une façon de tailler. L’été, avec
les cisailles on écourte les branches pour permettre de passer entre les
rangs, mais il faut garder suffisamment de feuilles. Elles sont les
poumons de la vigne.
Autrefois, on labourait pour ramener un peu de terre au pied
pendant l’hiver et au printemps, on enlevait cette terre. Aujourd’hui, la
plupart des récoltants pratiquent le désherbage chimique du rang et
passent la tondeuse au milieu.
Des traitements sont nécessaires contre les maladies :
mildiou, oïdium, le botrytis cinérea... les insectes : la cicadelle,
la pyrale... Les traitements doivent s'effectuer tous les quinze
jours environ, de la sortie des bourgeons, jusqu'à la véraison et stoppés
un mois avant la récolte et pendant la floraison.
Avant la récolte il faut préparer les barriques.
La récolte varie selon les cépages et l'on détermine le moment de
la récolte à Bournezeau au goutté. (Dans les régions viticoles ils ont un
appareil à mesurer le taux de sucre pour décider du bon moment des
vendanges.)
Les vendanges à Bournezeau sont récoltées manuellement en famille
et entre amis. Pour cela il faut des baquets, comportes (basses),
vendangettes, fouloir ou moulin.
Le travail au chai se pratique selon le goût du vigneron :
Soit directement au pressoir, après foulage ou moulinage ; Soit
égrappage avec fermentation alcoolique en cuve qui durera 15 à 20 jours
selon la température. Pour les deux façons ensuite vient la mise en fût.
Suit l'élevage du vin après la fermentation, débourrage avec
méchage. La durée de la fermentation malolactique varie beaucoup, allant
de quinze jours à plusieurs mois.
On effectue le collage et le dernier soutirage en août avant la
mise en bouteilles en septembre
Il existe plusieurs procédés pour coller le vin. Le plus utilisé
dans notre région est le blanc d’œuf.
Après soutirage on peut vendre le vin.
Pour la vigne comme pour le vin, chaque année est un éternel
apprentissage : Une année n'est jamais semblable à la précédente.
Jusqu'aux années 1960, le vin se vendait au degré chez un négociant
en vin en gros, au bistrot ou au détail. Pour cela il fallait un acquis ou
laissez-passer que vous demandiez à la régie de Bournezeau, moyennant de
payer une taxe pour le transport d'alcool. En 1888 l'hecto de vin se
vendait 70 F.
Les principaux outils pour la vigne sont : le sécateur, la bêche,
l’appareil à traiter, la cisaille, le fouloir, les baquets, le seau, les
basses, (comporte à vendange).
Il faut pour le vin : cuve de fermentation, égrappoir ou
moulin, pressoir, fût, seau, entonnoir, siphon, mèche rouge et jaune,
bouteille, bonbonne.
Que ce soit pour la vigne, les vendanges ou le vin, le matériel
doit être rigoureusement propre et bien nettoyé après chaque usage. Un
simple baquet ou seau à vendange sale peut apporter une maladie au vin.
Des concours de vins ont eu lieu en Vendée:
En 1901: foire aux vins - 27 exposants, prix délivré de 3ème
catégorie vin blanc (Muscadet, Chenin-pineau, Sauvignon) Diplômée M.
Esgonnière Bournezeau Vendée. Vin paillet 4ème catégorie - 37 exposants :
Mention honorable à M. Esgonnière Bournezeau. Vins rouges 5ème catégorie -
46 exposants : Médaille de Bronze M. Esgonnière Bournezeau.
En 1903: Vin paillet (Pineau de Rhibauvilliers) médaille à Louis
Genêt Bournezeau Vendée.
Dans les années 1950/1960, Jean Baptiste Herbreteau, René Charrier,
Victor Belon et Maurice Greffard de Bournezeau, ont obtenu des prix.
Les exploitations familiales, très nombreuses de 1850 à 1960, sont
en voie de disparition. Avec la disparition des cultures familiales,
disparaîtront les hybrides. Seules resteront les Mareuil, Rosnay, Vix,
Brem, Pissotte etc. Dommage !
Le 21ème siècle verra sûrement la fin et la mort des derniers
hybrides. Mais qui peut connaître l'avenir ? De quoi sera-t-il fait ? De
quoi aurons-nous besoin? Souhaitons qu'il reste au moins une parcelle de
vigne hybride sur notre territoire communal, mais sait-on jamais ?
La Vendée gardera ses terroirs reconnus en AOC, une page d'histoire
sera tournée.
Le 21ème siècle verra probablement la fin du vignoble sur le
territoire de notre commune de Bournezeau-St Vincent. Une page sera
tournée, sachons donc apprécier ces derniers instants de dégustation de ce
petit vin du terroir. Vous, les jeunes écoutez ces dernières histoires
abracadabrantes qui doivent refaire le monde, le soir, assis “au cul des
barriques” ! Vous aussi quand vous serez vieux vous
direz : « J'ai connu les caves de mes aïeux. »
Sachons donc apprécier ces derniers instants. Car le vin est le
plus beau présent que Dieu ait fait aux hommes.
Plus que toute autre activité agricole, la viticulture s'est
imprégnée de tradition pour mettre à la disposition des hommes les cépages
dont le noble produit a réjoui tant de cœurs et ouvert tant d'esprits.
Derrière cette culture si noble, de la vigne et du vin, qui a égayé
tant de cœurs d'hommes se cachait le vigneron. Sous une écorce rude, au
cœur sensible, le viticulteur était le sel même de sa vigne. Le pays qui
n’a plus de ces hommes est en mauvaise voie.