L'association Bournezeau & Saint-Vincent-Puymaufrais :
50 ans d'histoire commune :

  Depuis plusieurs années nous entendons parler de communes nouvelles. Au 1er janvier 2023 la Vendée comptait 17 communes nouvelles. Si les communes nouvelles séduisent les uns, elles peuvent aussi rebuter les autres. On voit parfois des naissances “au forceps”, des mariages réussis et d'autres plus douloureux et malheureux qui conduisent au divorce. On craint de perdre son nom, son identité en se faisant absorber par un voisin plus puissant. Perte de pouvoir ? d'indépendance ? « Mieux vaut être les premiers dans son village que le second à Rome » dit l'adage. Comment réinventer une identité locale sans braquer les habitants ? L'histoire de Saint-Vincent et Bournezeau est une belle illustration de coopération avec ses joies et ses tourments, et nous prouve que la vie n'est pas un long fleuve tranquille. Retour sur les événements marquants de 50 années de fonctionnement.

Saint-Vincent-Puymaufrais... Une longue histoire de mutualisation.

En matière de mutualisation et d'aménagement du territoire, la commune de Saint-Vincent-Puymaufrais a une longue histoire.
  C’est en 1833 que la commune Saint-Vincent-Puymaufrais nait de la fusion des communes de Puymaufrais et de Saint-Vincent-Fort-du-Lay :
  Le 13 février 1972, à la suite d'une violente tempête qui a endommagé gravement l'église de Saint-Vincent-Puymaufrais (100 000 francs de travaux : chiffre de l'époque) la commune connait une situation financière très fragile.
  En effet, les crues successives du Lay ont causé depuis de nombreuses années des dégâts importants au Pont-de-la-Rochette (120 000 francs de travaux partagés avec la commune de Sainte-Hermine).
  La précarité financière conduit alors le Conseil Municipal de Saint-Vincent-Puymaufrais par une délibération du 19 juillet 1972, à demander l'association à sa commune voisine, Bournezeau.

  Pourquoi Bournezeau et pas Sainte-Hermine ?

  Selon Roger VERGNOLLE (rencontre du 8 mars 2017), la question ne s'est pas posée ... « Une partie des habitants de la commune de Saint Vincent allait et consommait à Sainte-Hermine, l'autre à Bournezeau. Mais je ne crois pas que la question d'association avec Sainte-Hermine ait été posée au conseil. C'est Michel CRUCIS qui avait suggéré Bournezeau, » Abel Laurent précise, que « C'était dans le canton » et écrit dans son éditorial du bulletin communal de 2013 :   

« (...) avec quarante années de recul et ma modeste expérience de 19 ans d'élu, je crois pouvoir dire sans me tromper qu'elle était empreinte d'une grande sagesse ».



À l’entrée du bourg, Sainte-Hermine et Bournezeau étaient indiquées à la même distance.

  Les élus bournevaiziens se prononcent positivement les 27 août et 1er septembre de la même année. Le Préfet de la Vendée, prononce alors la fusion, le 18 septembre 1972, selon la procédure de l'association prévue par le titre II de la loi N° 71.588 du 16 juillet 1971, Cet arrêté a pris effet le 1er octobre 1972.

  Que dit le contrat d'association ?

  → La commune nouvelle née de l'association de Bournezeau et Saint-Vincent-Puymaufrais portera le nom de Bournezeau.

  →La commune de Saint-Vincent-Puymaufrais devient Commune associée mais conserve son nom.

  →Le Chef-lieu de la nouvelle Commune ainsi créée est situé à Bournezeau. Le Maire de Saint-Vincent-Puymaufrais devient Maire-délégué et exerce sur la commune associée les fonctions d'officier d'état civil et d'officier de police judiciaire et chargé de l'exécution des lois et règlements de police.

  →Une section électorale est instituée à Saint-Vincent-Puymaufrais

→La charge fiscale n'étant pas équivalente dans les deux communes associées l'intégration fiscale s'établira sur cinq années

   (Il fallait harmoniser les fiscalités puisque le budget devenait commun. Le bulletin communal de décembre 1972 précisait d'ailleurs que Saint-Vincent-Puymaufrais était dans l'obligation de mettre en recouvrement depuis plusieurs années un nombre de centimes de 2 fois supérieur à ceux de Bournezeau.)

  D'autres précisions sont apportées, notamment en ce qui concerne les agents et les services communaux.

  La convention est signée par Monsieur Lucien GRELLÉ, Maire de Bournezeau et Monsieur Maximin LIAIGRE, Maire de Saint-Vincent-Puymaufrais.

  Jusqu'en mars 1977, tous les conseillers municipaux (13) de la commune associée font partie du Conseil Municipal de la nouvelle commune et siègent donc avec ceux de Bournezeau.


Roger VERGNOLLE, Lucien GRELLÉ, Maximin LIAIGRE, Rémi MACQUIGNEAU, André Seiller, Pierre CHARRIER, Gilbert PAYNEAU
 
1- Lucien GRELLÉ , 2- Maximin LIAIGRE, puis Roger Vergnolle, Yvette Orveau (secrétaire), Gaby Greffard, Maurice Rafin

1983 - Consultation “référendaire” : récit d’un “remue-village”

  En Mars 1983, Monsieur Maurice BRILLAUD devient Maire délégué et revendique l'autonomie de la commune.

  Ainsi dans une interview réalisée par le journal Ouest-France le 23 novembre 1983, il précise

« On est venu me chercher. Je suis arrivé à la Ricotière en 1981 pour ma retraite après une carrière au Trésor, à Antar et Elf Aquitaine...(...) les élus en place se sentaient impuissants et ont baissé les bras. C'est Bournezeau qui menait tout. Aucun d'entre eux n'a accepté de se représenter. Ceux qui sont venus me chercher n'avaient pas accepté l'association. J'ai alors posé la question si la scission est possible et souhaitable »
.

  En réponse à cet article, l'ancien maire délégué M. LIAIGRE et M. ROUSSEAU, ancien conseiller municipal tiennent par voie de presse à préciser et faire usage de leur droit de réponse :

 
« Nous n'avons pas baissé les bras. Si nous ne nous sommes pas représentés aux élections, c'est parce que l'un quittait la commune et l'autre pour des raisons d'âge. Nous n'avons jamais eu à nous plaindre des relations avec les conseillers de Bournezeau. Nous avons toujours travaillé en parfaite collaboration. Ce n 'est pas Bournezeau qui menait tout. Les travaux demandés par les conseillers de Puymaufrais n'ont jamais été refusés... »

  Interrogé le 8 mars 2017, Roger VERGNOLLE, ancien élu, se souvient de cette période :

« Ça se passait bien avec Bournezeau, M. MACQUIGNEAU était bien, mais on avait le sentiment de ne servir à rien, ou du moins on voit le sentiment qu'on ne pesait pas bien lourd. D'autres communes de la même taille que Saint-Vincent arrivaient bien...alors pourquoi pas nous ? C'est pour ça que je suis allé chercher Maurice BRILLAUD, c'était l'homme de la situation... »

  Dès la première réunion du conseil municipal, Maurice BRILLAUD lance le processus de séparation des deux Communes conformément à ses engagements.

 
« Il est absurde et coupable de supprimer des communes rurales, elles sont le creuset des forces vives de la nation. Il faut absolument les préserver. La commune de Saint-Vincent-Puymaufrais peut vivre de façon autonome », (propos rapporté par le journal 0F)

  Les services préfectoraux, le centre des impôts se penchent sur la question. Leur conclusion : Saint-Vincent devrait augmenter les impôts de 32,8% pour équilibrer son budget. Dès lors, les avis divergent. Un référendum est lancé. Il aura lieu le 11 décembre 1983 ! S'il n'a pas de valeur légale (c'est alors au Préfet qu'il revient de prendre la décision après enquête administrative) ce référendum va se dérouler dans des conditions normales d'élection, fera l'objet d'une campagne et ne pourra qu'influencer fortement le commissaire de la République.

 

  Une campagne référendaire agitée...

 

  Les discussions vont bon train dans les caves, dans les familles. Roger VERGNOLLE parle de sujet très sensible « y'en a qui se sont fâchés entre eux. Ça a laissé des traces » Deux camps s'affrontent : Les partisans de l'indépendance et les opposants au projet de séparation.

  « Tout pronostic est impossible. Le scrutin du 11 décembre promet un suspense total ! » écrivait Bernard RICHARD, journaliste de Ouest-France dans son article du 23 novembre 1983.

  À l'issue de 4 réunions publiques, les débats sont animés. On s'oppose sur les questions financières et les dépenses de personnel. M. BRILLAUD, maire délégué et partisan de l'indépendance, ne prévoit qu'un cantonnier à plein temps et une secrétaire à mi-temps. Les opposants dénoncent un risque d'augmentation insoutenable des impôts, une impossibilité d'investir, une suppression des subventions aux associations (foot, 3ème âge, écoles...)


Maurice BRILLAUD, maire

  Du côté de Bournezeau, le maire, Rémy MACQUIGNEAU respecte une stricte neutralité et précise par voie de presse qu'il souhaite que la question soit éclaircie le plus vite possible. « La commune ne peut correctement fonctionner dans un tel climat. »

    Résultat des urnes : une majorité pour le maintien de l'association avec Bournezeau.

  Le verdict est tombé le 11 décembre 1983 au soir : 61,59% des électeurs de Saint-Vincent-Puymaufrais ne souhaitent pas que leur commune retrouve son indépendance.

   « Les résultats étaient sans appel. Ce n'était pas ce que nous espérions, mais on a respecté le résultat... la démocratie avait parlé, Je m'y suis plié... Et heureusement que ça s'est passé comme ça. Avec le recul je ne sais pas si Saint-Vincent aurait pu assumer toutes ces dépenses...Quand on voit ce qu’on a pu faire dans la commune, ça n'aurait pas été possible sans Bournezeau » précise Roger VERGNOLLE en 2017.

  À l’issue du référendum, Maurice BRILLAUD et les 3 conseillers ont continué de siéger avec leurs collègues de Bournezeau.

  Depuis cette date, nos deux villages ont poursuivi leur aventure commune.

  Les maires qui ont travaillé ensemble :

Un scrutin électoral qui a évolué.

  Depuis 50 ans les élus siègent au sein du même conseil municipal et participent activement à la vie municipale. Jusqu'à 2014, en vertu de l'article L 255-1 du code électoral, les anciennes communes d'une fusion-association constituaient des sections électorales élisant un nombre de conseillers municipaux proportionnel à leur poids démographique. Pour Saint-Vincent 4 élus manfraidiens siégeaient au conseil de Bournezeau. Mais L'article 27 de la loi n° 2013*403 du 17 mai 2013 a modifié ce fonctionnement et a permis une circonscription électorale unique élisant l'ensemble du conseil municipal selon un mode de scrutin unique. Si avec ce nouveau mode de scrutin, la présence de conseillers municipaux issus de Saint-Vincent-Puymaufrais n'est plus forcément garantie, la réalité est tout autre…

  Car lors des élections municipales en 2014 et en 2021 les listes uniques ont compté jusqu'à 7 candidats manfraidiens... aujourd'hui sur les 5 élus trois d'entre eux occupent respectivement les postes de Maire, 1er et 2ème adjoint. Autant dire que le mariage est réussi.

  Le 10 novembre 2002, les 30 ans ont été fêtés à la salle du Bout du Monde.  Abel LAURENT, maire délégué, et Louis-Marie GIRAUDEAU, maire de Bournezeau, ont pu remercier et saluer la présence de Monsieur Maximin LIAIGRE, maire de St Vincent Puymaufrais, signataire de la convention portant association des deux communes. Exposition d’artistes locaux et bal populaire ont clôturé la soirée.

    Les noces d'or de l'association.

    Pour les 50 ans de l'association des deux communes, le conseil municipal s'est tenu symboliquement à la mairie Annexe à Saint-Vincent-Puymaufrais le 5 juillet 2022.

  50 ans d'histoire commune, qui nous rappellent qu'à deux communes, nous sommes plus forts, et qu'à l'échelon municipal, nous renforçons notre capacité à maîtriser les transformations écologiques, sociales et démocratiques.

  50 ans de mariage qui nous rappellent que nos communes rurales parce qu'elles :

  - constituent un espace ouvert où s'inventent des pratiques et des intelligences collectives...

  - offrent un territoire privilégié pour se réapproprier les questions majeures du 21e siècle et ne pas les laisser aux mains des grands ensembles : production agricole, autonomie alimentaire, autonomie énergétique, relocalisation de l'économie...

 - favorisent l'ancrage dans l'ici et maintenant,

nos communes rurales sont alors des communes d'avenir où l'être humain n'est pas abstraction, il est relation...

  Quid de la suite ??? L'équipe municipale en place a fait mention dans sa campagne de sa volonté d'aller plus loin dans le mariage en fusionnant les deux communes...Fusion ? association ? qu'importe. Ce ne sont pas les statuts qui font l'identité d'un pays, mais bel et bien les femmes et les hommes qui le peuplent.


La mairie annexe de Saint-Vincent-Puymaufrais

  C'est donc à nous, citoyens habitants, de recréer des espaces de coopération fondés sur l'interconnaissance, la confiance, la solidarité, la générosité, la capacité à définir et imaginer collectivement des solutions. C’est à nous qu'il importe de faire vivre nos villages, en consommant local, en s'investissant dans des associations, des activités collectives, en s'émerveillant de la beauté de nos paysages.

  De nombreux penseurs s'accordent à parler d'effondrement de notre système. La liste des plaies qui assaillent l'humanité s'allonge de jour en jour : agonie démocratique, réchauffement climatique, régression sociale, instabilité économique, géopolitique, fragilité financière, crises agricoles, sanitaires...alors maintenant on fait quoi ? Il reste un peu de temps et des espoirs.

  

  Certes, la chaleur de nos villages ne résoudra pas les problèmes du monde, mais ils doivent permettre à chacun de trouver réconfort et liens qui rassurent. Comme l'affirme Valérie JOUSSEAUME dans son ouvrage “Plouc Pride”, nos villages ruraux ont de l'avenir. « L'expérience des territoires ruraux et des sociétés rurales, peut nous aider à rêver un futur désirable et à dessiner un avenir collectif... »

  Alors, bel anniversaire à nos deux communes… Et longue vie quel qu’en soit le statut.

   Jérôme AUBINEAU