En 1916, (4e partie) : d’autres combattants

  Après l’arrêt de l’offensive allemande sur Verdun, en septembre, les combats y ont continué. Les français ont regagné peu à peu du terrain. Des hommes de chez nous y étaient encore présents. Et des combats continuaient tout au long du front.

  À Verdun

 
  HERBRETEAU Fernand : Au village de Villeneuve (Bournezeau), les trois fils HERBRETEAU s’appellaient tous Auguste, comme le père. Le cadet était appelé de son deuxième prénom : “Fernand”. De la classe 1913, il avait été ajourné pour “faiblesse” en 1914 et en 1915. Il a finalement été incorporé au 125ème R.I. le 8 septembre 1915.
Passé au 137e R.I., il a été évacué blessé à Vaux le 8 novembre 1916 : Des éclats d’obus au coude gauche, à la jambe et à la cage thoracique. Le fort, abandonné par les allemands après la reprise de Douaumont le 24 octobre a été occupé par le 118ème R.I. les 2 et 3 novembre. Fernand a été réformé le 13 mars 1918. Il était à Fougeré (Le Cerisier) après 1924.


Fernand a montré le plus bel exemple de courage en portant secours à un camarade enseveli par un obus, malgré les blessures qu'il venait de recevoir. (citation)

   Le troisième garçon, Auguste Pierre Abel était appelé “Auguste”. De la classe 1920, il a été exempté en 1918 pour infantilisme comme l’aîné. En 1940, il a été prisonnier de juillet à décembre.

  CAILLETEAU Louis de Bournezeau (la Guignardière) était de la classe 1916. Il a rejoint le 93e R.I. le 8 avril 1915. De juin 1916 à février 1917, son régiment combattait à Verdun. Le 10 décembre, il a été évacué. Il avait le pied gauche gelé après plusieurs jours dans la boue à Douaumont. Passé au 293e R.I., Il combattait le 16 octobre 1917 près de Vauxaille (secteur du Chemin des Dames) quand il a été blessé par éclats d’obus à la cuisse gauche, à l’épaule droite et à la main gauche. Il a rejoint le front le 4 février et il a été promu caporal le 18 avril 1918. Libéré le 20 septembre 1919, il s’est retiré à Chantonnay puis à Bournezeau en 1922 et à Barbezieux en 1933.

  ALÉTRU Pierre, on l’appelait “Joseph”. Né en 1881 à l’Augoire de Saint-Vincent-Puymaufrais, il s’est marié le 10 février 1908 avec Célestine BOIVINEAU. C’était un double mariage : On mariait aussi Pierre BOIVINEAU (appelé Célestin). Pierre ALÉTRU avait été incorporé au 125e R.I. en 1902, puis on s’est aperçu qu’il devait être dispensé comme fils unique de veuve. Il a été blessé le 29 septembre 1914 à la Boisselle (aux reins). (voir Au Fil du Temps n°31).Le 1er septembre, à La Laufée, il a reçu des éclats d’obus à la tête, mais il est revenu le 3 novembre. Le 16 décembre 1916, il fut évacué de la côte du Poivre les pieds gelés, il est revenu le 20 janvier 1917. La côte du Poivre, c’est le village de Louvemont qui a été repris le 15 décembre. Il fait partie des 9 villages entièrement détruits pendant cette guerre, qui n’ont pas été reconstruits. Dans quel régiment était-il alors ? Le 125e était dans le Pas-de-Calais. Ce qui est sûr, c’est qu’il y faisait très froid.     En janvier et février 1917, le 137e occupe la côte du Poivre par un froid terrible. Installation des plus défectueuses. (Historique du 137e R.I.)
  Au mois de mai 1917, dans la Somme, il a été malade. Le 23 août 1918, à la Boisselle (Somme), il a été fait prisonnier. Interné à Giessen, il est rentré en France le 6 janvier 1919 et a été libéré le 19 février.

  BONNEAU Alexandre frère de Aristide (voir n°32) est né à Saint-Hilaire-le-Vouhis, mais habitait à Bournezeau (la Bergeonnière) en 1911. Il avait fait son service militaire en 1907-1908. Il est arrivé au 137e R.I. le 28 août 1914. Le 21 juin 1915, il était caporal et le 23 juillet 1916, sergent au 93e R.I. Il était alors près de Douaumont.
   Cette fois le régiment est avantagé […] Nos lignes sont établies au bas des pentes que nous occupons solidement. Les positions allemandes, complètement dominées, sont tracées dans la plaine de La Woëvre et se dissimulent dans les bois, sans être composées de lignes continues. Entre les tranchées, distantes de 600 à 1 200 m, terrain couvert de blé ou d'avoine, circulent chaque nuit des patrouilles. (Historique du 93e R.I.)
  En 1918, il s’est engagé dans la gendarmerie, et en 1929, il a été affecté à l’école de cavalerie de Saumur.
 
BOUGRAS Gabriel, de Saint-Vincent-Puymaufrais (le Prévert, près du Plessis), était de la classe 1916. Il est arrivé au 93e R.I. le 8 avril 1915.Il a été cité comme un excellent mitrailleur :
   En batterie dans un des secteurs les plus durs balayé par l’artillerie et les feux de mitrailleuses a acquis, du 17 au 25 décembre 1916, sur l’ennemi, une supériorité incontestable lui causant journellement des pertes ayant réussi dès la première journée à réduire au silence une mitrailleuse allemande établie en face de lui.(Citation)
  Il combattait alors au nord de Douaumont. Du 25 janvier 1918 au 12 octobre 1919, il a rejoint l’armée d’Orient. Après sa libération, le 13 octobre 1919, il a été affecté aux chemins de fer de l’état dans la région parisienne.

  Dans la Somme

  De durs combats, aussi violents qu’à Verdun, ont eu lieu dans la Somme, là où le haut commandement du maréchal Joffre avait eu l’intention de porter son attaque. Cette région était tenue surtout par les britanniques. Mais nous y avons eu des blessés, des prisonniers et des morts.
 
  HERBRETEAU Auguste, l’aîné de la famille, était appelé “Célestin”, son 3e prénom. De la classe 1904, Célestin avait été ajourné pour“faiblesse”, puis exempté pour infantilisme. Mais en 14, il était bon pour le service au 18e bataillon de chasseurs à pied. Il est mort le 29 octobre 1916 dans l’ambulance de Moreuil-Lupigny, dans la Somme. Il est inhumé au cimetière militaire de Moreuil fosse 420.
   Nous tenons maintenant Genermont, mais des hauteurs de Fresnes, de Mazancourt, sur lesquelles mordent nos petits postes, l'ennemi règle sur nos lignes un tir précis et meurtrier. La pluie paralyse les travaux d'amélioration ; la boue et l'eau emplissent les boyaux et rendent la vie en secteur extrêmement pénible. (Historique du 18eBCP)
 
BOULINEAU Jean
, né en 1881 à Nieul-le-Dolent, de père inconnu. Journalier agricole, il s’est marié avec Marie-Louise Turcaud de Bournezeau (la Poussardière). Ils ont habité le Bois-Bonneau. Rappelé, il n’est arrivé au corps que le 25 août 1915. Il a été évacué avec les pieds gelés le 14 mars 1916 à Argeville. Prisonnier devant Barleux (Somme) le 6 septembre 1916, interné à Minden, il a été rapatrié le 7 mars 1919 mais libéré seulement le 17 décembre 1919. Il avait déjà une jambe plus courte, mais il est revenu avec des rigidités à l’épaule, au bras et au pouce. Après son retour à Bournezeau, sa fille, Hélène, née en 1904 a été adoptée par la nation en 1920. Il est décédé le 19 août 1921, à 39 ans, à Bournezeau (Foliette).
 
GUÉRIN Auguste,
installé à Bournezeau (les Barres) en 1908, était de la classe 1903 et avait été classé dans les services auxiliaires pour une raideur du coude droit. En 1914, il a été reclassé pour le service armé. Il est arrivé au 137e R.I. le 11 décembre 1914. Il était au 154e R.I. depuis le 21 juin 1916 quand il a été blessé le 30 septembre 1916 à Rancourt, dans la Somme, par un éclat d’obus dans la cuisse g R.I. le 1er mars 1917. Il a été libéré le 7 mars 1919.
   Du 25 au 30 septembre le régiment est en ligne au nord, puis au sud du village de Rancourt. […] Le bombardement est sérieux et cause des pertes, néanmoins le moral reste ferme, car notre artillerie, ainsi que celle des anglais domine la situation. (Historique du 154e R.I.)

  BIBARD Joseph (appelé Émile) est venu à Bournezeau en 1911, à Villiers. En 1903, comme canonnier conducteur, il avait servi en Algérie. Rappelé en août 1914, à 34 ans, il retourne au 28e régiment d’artillerie de campagne mais il avait dû être muté lorsqu’il a été blessé le 20 07 16 à Harbonnières (dans la Somme) : amputation de la main gauche plaies multiples aux jambes par explosion de grenade. Il n’est pas revenu au combat. La lettre ci-dessous donne une idée des conditions où il a vécu.
  

Harbonnières- 4 juillet 1916
   Ma chère femme adorée […] Je passe mes journées assis entre deux murs, les pieds humides et la peau couverte d’une épaisse couche de boue. Dans ces lieux règne une odeur nauséabonde que mes narines n’arrivent guères à supporter. Je cohabite avec mes acolytes tombés la veille et qui ne pourront désormais plus jamais se relever. Au moindre déplacement je crains d’écraser un thorax ou de rencontrer des entrailles. […]. La nourriture se fait de plus en plus rare et nos maigres repas sont essentiellement composés de bouillons. De temps à autre une miche de pain nous est offerte. […] Les rats affluent, piétinant les corps, longeant les murs et poussant assidument de petits cris stridents. Tu ne peux te faire idée comme je suis malheureux, la détonation des canons et des obus me rend fou. Voilà des mois que je ne me suis pas lavé, mes vêtements me collent à la peau et ralentissent mes mouvements.

    Lettre de Joseph Paul Lepladec qui fut un soldat du 228e régiment d’infanterie

 

  Dans l’Aisne, en Champagne, les Vosges ou en Alsace

  Tout le long du front, la guerre de tranchées continuait. Dans Au fil du temps n°23, nous avons retracé la guerre de Louis JOGUET qui a été dans les Vosges en 1916. Au Nord de Lunéville, les allemands, à partir de juillet 1916, ont pratiqué activement une guerre de mines. Le but était de maintenir des troupes loin de Verdun et de la Somme.
 
  BOSSARD Joseph, appelé “Alphonse”, de Bournezeau (la fenêtre), était le frère de Louis, qui a fait toute la guerre et de Maurice, mort en 1917. Il a été classé dans les services extérieurs le 21 avril 1916 pour “bronchite suspecte”. Son régiment a passé l’été entre Soissons et le Chemin des Dames. Il est décédé à l'hôpital de Sainte-Anne-d’Auray de maladie contactée en service le 14 novembre 1916. Il avait 26 ans. Sur le monument aux morts, il est inscrit BOSSARD A. et dans l’église, BOSSARD Joseph.

  GUIBERT Jean était de la classe 1902. Journalier, il avait habité Thorigny, Saint-Hilaire-le-Vouhis, Bournezeau (La Briolière). Il avait été ajourné plusieurs fois pour “faiblesse”, mais avait dû rejoindre le 137e R.I. le 27 décembre 1914. Alors qu’il était en Champagne, il a été réformé le 23 février 1916 pour “bronchite suspecte, suite de pleurésie”. En 1921, il a rejoint Aubigné, près de Poitiers.

  PAILLEROT René, après son mariage en 1906 avec Thérèse PIVETEAU, a laissé son métier de cultivateur pour succéder à son père Pierre comme maçon à Saint-Vincent-Puymaufrais (la Butte). Il était de la classe 1901. Mobilisé seulement le 24 février 1915, il a rejoint le 2e Zouaves le 24 mai 1915. En 1916, il a été hospitalisé du 20 février au 9 juillet 1916. C’est le 15 septembre 1916 qu’il a été tué à 35 ans dans le secteur de Nomeny (entre Metz et Nancy). Il a une tombe individuelle dans la nécropole Nationale de Champenoux au n°809.


Des erreurs sur sa tombe : Il n’y a pas de Faillerot dans la base des “morts pour la France”, il est bien mort le 15-9, mais en 1916. Il était bien au 2e Zouaves.

  PRAIN Aristide, de Saint-Vincent-Puymaufrais (La Brenelle), étant de la classe 1916, a été appelé au 77e R.I. le 8 avril 1915. Après son passage au 367e R.I., il a été blessé aux deux jambes et à l’épaule gauche le 23 octobre 1916 à Marainviller (près de Lunéville) lors d’un exercice de grenade. Il est revenu au combat le 1er février 1917, a été promu caporal le 19 août 1918 et a été libéré le 26 août 1919. Et le 29 juin 1926, la famille PRAIN célébrait un double mariage : Aristide avec Georgette BOURDET et sa sœur Émilia PRAIN avec Achille SENNEGON, de la Réorthe. Aristide est mort à 43 ans le 1er mars 1940.
 

  On pouvait mourir ailleurs que sur le front

 
  BORDAGE Emmanuel habitait à Bournezeau depuis le 20 mai 1914. Il avait été classé dans les services auxiliaires pour bégaiement. Il est arrivé au 137e R.I. le 5 octobre 1915. Le 9 mars 1916, il a été détaché à la fabrique Vaucler à La Rochelle. Il est disparu dans la catastrophe de l'usine (accident), le 1er mai 1916, à 38 ans. Son nom est inscrit seulement à l’église

  MORAND Amédée, appelé “Alphonse” habitait à Trizay. Il a servi au 26eR.I. à Nancy de 1908 à1910. En 1914, peu après son mariage, le 8 juin, avec Yvonne BORDAGE, il a été rappelé le 4 août. Une commission, le 11 novembre 1914, l’a réformé pour “bronchite bacillaire”, mais, en son absence à la visite de la commission du 24 juillet 1915, celle-ci l’a classé comme “bon pour le service armé”. Cependant, étant en sursis d’appel pour maladie, il n’est jamais arrivé au 93e R.I. et a été réformé pour tuberculose le 6 octobre 1915. Il est mort le 17 avril 1916 à Saint-Vincent-Puymaufrais. Son nom a pourtant été gravé sur le monument aux morts.
  Son frère Henri a fait toute la guerre dans l’artillerie. Il s’est illustré en 1917
 
  Beaucoup d’autres hommes de notre commune combattaient en 1916. Nous n’avons les traces que des blessés, des prisonniers et des morts, mais tous méritent notre respect et d’être associés au souvenir.

   Jean-Paul BILLAUD

   Sources : Fiches matricules militaires, état-civil et recensements aux archives départementales.
   Historiques des régiments, site “Mémoire des hommes” : Base des sépultures.