Histoire de la Croisée de la Justice
ou de l’Injustice

1- La Croisée de la Justice

La Croisée-de-la-Justice est située au centre du territoire communal de Saint-Vincent-Puymaufrais. Voici son histoire:

La Croisée-de-la-Justice était jadis un carrefour important et très passager. Là, se croisaient les routes de Mareuil à La Caillère et de la Ferrière à l’Hermenault.


La croisée de la Justice

Ce carrefour était autrefois un lieu d’exécution des bandits, des brigands, des criminels. Ce lieu était aussi appelé “les Fourches-Patibulaires” où l’on exposait les cadavres des suppliciés sur une potence.

En effet, pour donner valeur d’exemple et afin de décourager les voyous, les exécutions devaient être vues, d’où l’intérêt de les faire sur ce carrefour très passager, qu’on appelait alors : La Croisée-des-Justices.

Cette justice était rendue, comme partout ailleurs, par un seigneur qui avait reçu le droit de haute justice.

En l’occurrence, ce sont les Béjarry , seigneurs de la-Roche-Gueffier, appelée aujourd’hui La-Roche-Louherie qui exerçaient ce droit.

En effet, au 18ème siècle deux générations de la famille Béjarry ont été hauts justiciers. Il s’agit d’Alexandre né en 1682 et son fils Charles-Étienne né en 1704.

Le premier avait obtenu, le 2 avril 1715, une confirmation de noblesse, au vu de ses titres, auprès de l’intendant du Poitou.

Ils étaient l’un et l’autre seigneurs de la Roche-Gueffier, de Saint-Vincent-Fort-du-Lay et de quelques autres domaines. Ils étaient hauts justiciers de la Châtellenie de la Roche Gueffier. De ce fait, ils étaient chargés d’exercer la justice et avaient le droit d’appliquer la peine de mort. Ils disposaient alors des potences installées au lieu dit de “La Croisée-des-Justices”.

La parcelle qui touche ce lieu s’appelle “Les Potences”. Cette appellation confirme bien qu’elles ont existé.

Avec le temps, le nom de “La-Croisée-des-Justices” s’est un peu transformé, puisqu’on l’appelle maintenant “La Croisée-de-la-Justice”.

2- La Croisée de l’Injustice

Pour l'histoire de cette croix, voir aussi la page du n°5

Tous les habitants de Saint-Vincent-Puymaufrais savent qu’il y a aussi une autre version. En effet, ce carrefour est aussi appelé “La-Croisée-de-l’Injustice”. Voici l’explication que donnent les plus anciens habitants.

Une injustice aurait eu lieu au château de la-Roche-Louherie, mais aujourd’hui aucun ancien ne peut en préciser l’époque. Selon une comtesse de la Roche-Louherie, une servante aurait volé un objet en argent. On parle souvent d’un couvert en argent.

Cette servante aurait alors été accusée et condamnée, mais on ne connaît pas la sentence du tribunal. Quelques années plus tard, lors de la réfection des couvertures, l’objet en argent aurait été retrouvé. Il aurait tout simplement été transporté par une pie sur la toiture*. Entre-temps la servante serait morte de honte et de désespoir.

La comtesse aurait alors pris conscience de son erreur. Prise de remords et pour se repentir, elle aurait alors fait élever une croix de granit à la Croisée-de-la-Justice. Puis, elle aurait fait abattre des arbres, pour avoir une vue permanente depuis les fenêtres du château sur ce carrefour (environ 1km500 à vol d’oiseau), afin de s’obliger à ne jamais oublier l’injustice dont elle s’était peut-être rendu coupable.

Telle serait la raison du nom donné à ce carrefour “La Croisée-de-l’Injustice”.

La première version, La Croisée-de-la-Justice, est bien réelle. Elle a vraiment existé. Les références des ouvrages cités en fin d’article en font foi.

La deuxième version, La-Croisée-de-l’Injustice, n’est pas impossible, mais elle est plus extravagante et personne ne peut prouver sa véracité. Elle tient davantage de la rumeur, mais c’est une rumeur tenace, puisqu’elle se perpétue depuis cinq générations au moins. En effet, un ancien rapporte que son grand-père, né vers 1860, affirmait avoir entendu l’histoire de cette injustice se raconter dans le bourg de Puymaufrais lors d’une réunion ou conversation.

Quoi qu’il en soit, nous connaissons maintenant l’origine des deux appellations de ce carrefour.

Pour désigner ce carrefour, on entend les deux appellations, mais La Croisée-de-l’Injustice revient plus souvent que La Croisée-de-la Justice.

La légende de la pie voleuse n’est pas liée uniquement à St-Vincent-Puymaufrais. Effectivement au 17ème siècle à Charbonnières-les-Vieilles, dans le Puy-de-Dôme, une plaque gravée en témoigne

«Le seigneur de Falvard perdit un beau jour une bague de grand prix. Il soupçonna un de ses serviteurs et le pendit. Or on retrouva l’anneau quelques années plus tard dans un nid de pie. Le Sire de Falvard, honteux de son crime, voulut réparer cette injustice en faisant construire l’aile gauche de l’église de Charbonnières ».

La même histoire a eu lieu également à Palaiseau dans la région parisienne, et sans doute dans beaucoup d’autres lieux. Cette légende de la pie voleuse est également reprise dans un album de “Tintin” : “Les bijoux de la Castafiore”.

Henri Rousseau

Sources:
- Semaine Catholique du diocèse
- Chroniques paroissiales de l’abbé Aillery
- “Le canton de Chantonnay” de Maurice Bedon
- “Historique et généalogie des familles du Poitou” de Beauchet-Filleau
- Avec la collaboration de Michel de Béjarry et des témoignages d’anciens de St Vincent Puymaufrais.