Bournezeau et la Guerre de Vendée - 3ème partie -

      
  Le 21 janvier 1793 Louis XVI est guillotiné sur l’actuelle place de la Concorde. Cette mort est ressentie comme un sacrilège dans les royaumes européens qui décident alors de former la première coalition contre la France. Après l'Autriche et la Prusse, s'ajoutent l’Espagne et l’Angleterre. Devant ces menaces, la Convention voit la possibilité qui s’ouvre à elle de libérer l'Europe de la tyrannie des rois. Pourtant, sur le plan militaire, elle se trouve privée de moyens. La patrie étant en danger, elle décrète, le 24 février 1793, la levée de 300 000 hommes dans l’ensemble des départements français. Le directoire de la Vendée reçoit officiellement le décret le 2 mars 1793.
   

     La levée en masse de 300 000 hommes (février 1793)

        
        
  Sous l’Ancien régime, chaque paroisse devait fournir un certain nombre d’hommes célibataires pour former la milice royale. La Révolution met fin à cette milice mal perçue par la population pour la remplacer, dès 1791, par une armée composée d’hommes volontaires.
   


Départ de volontaires aux armées par Lesueur  (entre 1792 et 1793, musée Carnavalet de Paris)


  Ce volontariat n’apportant pas suffisamment d’hommes aux armées de la Révolution de plus en plus menacée, la Convention décide le 24 février 1793 d’imposer dans chaque commune une conscription afin d’atteindre les 300 000 hommes de la levée en masse.
  Le décret indique que tous les citoyens de 18 à 40 ans, non mariés ou veufs sans enfants, seront en état de réquisition. Chaque département se charge de répartir par district, puis par commune le nombre d’hommes à mobiliser. Les désignations doivent se faire par tirage au sort ou par suffrage.

  La Vendée doit fournir 4 275 hommes (pour 305 000 habitants). Même si le nombre d’hommes à mobiliser est faible pour chaque commune, ce système arbitraire est rejeté non seulement dans l’ouest de la France mais également dans d’autres régions comme à Lyon ou dans le midi de la France.

  Nous ne savons pas combien d’hommes doit fournir la municipalité de Bournezeau qui compte alors environ 1500 habitants.

  En outre, cette réquisition doit servir à renforcer les frontières lointaines de l’est de la France menacées. Or c’est la Convention qui a souhaité la guerre et la Convention est loin de faire 1'unanimité en Vendée. La République qu'elle prétend représenter a chassé, depuis deux années, les curés de leurs paroisses. Il n`y a donc rien de surprenant à ce que les habitants refusent en bloc la conscription, d'autant plus que la Convention en dispense les fonctionnaires de l’État et les gardes nationales, c'est-à-dire ceux qui étaient favorables à la déportation des prêtres et qui l’ont mise en œuvre. Tout est réuni pour que se révolte une population exaspérée par tant de mesures vexatoires.


Citoyens apprenant l’exercice par Lesueur (vers 1793, musée Carnavalet de Paris)


  La levée en masse est le détonateur de l’insurrection vendéenne. Des troubles éclatent avant même la diffusion du décret dans les municipalités. André Collinet, armateur et notable patriote des Sables-d’Olonne pendant la Révolution, a rédigé des mémoires sous forme d’un manuscrit dans lequel il expose, parmi d’autres sujets, la situation politique et militaire de la région. Il note le jeudi 7 mars 1793 :

   « Le 2, il est arrivé à 11 heures du soir un courrier extraordinaire pour prévenir le district de cette ville, que les paroisses de Sainte-Flaive, Landeronde, la Chapelle-Achard, Vairé, Saint-Julien, l’Ile-d’Olonne, Beaulieu, Landevieille, la Chapelle-Hermier, Saint-Georges, Saint-André, Martinet, etc, étaient en insurrection et que des groupes de paysans allaient pêle-mêle  au nombre de 20 à 30, armés de fusils, faux et fourches, désarmer les patriotes, prendre leurs armes avec menaces(…) »

  Sollicitées par les autorités des Sables, les gardes nationales de Jard, Olonne, Talmont, Luçon et Fontenay-le-Comte parviennent à contenir ce début d’émeute. Dans le Maine-et-Loire, à Cholet, dès le 2 mars, des jeunes se réunissent pour s’opposer au tirage au sort. Loin de s’arrêter, les troubles se généralisent à partir du 10 mars 1793.

     L’insurrection généralisée

        
        
  André COLLINET se fait l’écho de l’enchaînement dramatique des faits :

« Le 11 [mars] à 5 heures du matin, la générale est battue sur la nouvelle que les Royalistes ont brûlé le district de Machecoul, tué le maire, pris Legé et tué le curé (…) Le 13 au soir on a eu nouvelle que les Royalistes ont sommé Challans de se rendre, à 10 heures et quart le district de Challans a évacué la ville avec 400 gardes nationales pour se replier sur les Sables (…), 100 hommes sont partis des Sables pour renforcer le poste de la Mothe-Achard (…) »

   


Extrait du manuscrit en date du 12 mars 1793 d’André Collinet

   
  Ce témoignage est précieux car Collinet est bien renseigné. Aussi est-il aisé d’imaginer l’inquiétude qui devait gagner les habitants des villes et des campagnes à l’annonce de ces nouvelles alarmantes. Néanmoins, il faut avoir en tête que les moyens de communication sont très limités à cette époque et cela sera un problème constant pour les révoltés : des nouvelles ou des rumeurs seront exagérées, voire infondées, augmentant ou diminuant les peurs. Quoi qu’il en soit on déplore à Machecoul et à Legé des morts du côté des Patriotes en ce début de mars 1793.
  Les administrateurs du district de la Roche-sur-Yon se sentent également fortement menacés. Inquiets, ils décident de demander des secours à plusieurs municipalités comme celles de Saint-Michel-en-l’Herm, de Sainte-Hermine ou de Bournezeau. Nous reparlerons de la situation dans notre commune. Les archives de Saint-Michel-l’Herm ont conservé la copie de la lettre envoyée par Garet, président de l’administration du district de la Roche-Sur-Yon :

« La Roche-sur-Yon, le 13 mars 1793, l’an 2ème de la République française, 4 heures du matin.

Citoyens, un attroupement considérable de mal intentionnés s’achemine à grands pas vers notre district. Le sang coule de toute part. Les forces sont insuffisantes. Nous vous prions citoyens de vouloir bien nous prêter main forte sans délai (…) »


La vieille porte de la Roche-sur-Yon qui a servi de prison.
Elle se trouvait près de l’actuelle entrée de la cité administrative Travot et permettait l’accès au château médiéval.
La porte et le château n’existent plus aujourd’hui
(croquis extrait du livre du Comte E. de Monbail, Notes et croquis sur la Vendée, 1848).


  Le lendemain la municipalité de Saint-Michel-en-l’Herm envoie sa garde nationale au secours de la Roche-sur-Yon alors que dans le nord du département, des villes sont déjà au pouvoir des insurgés : Les Herbiers, Montaigu, Mortagne-sur-Sèvre, etc…
  En cours de route, la garde nationale de Saint-Michel-en-l’Herm apprend l'occupation de la ville par les insurgés et décide de rebrousser chemin. Quant à la municipalité de Sainte-Hermine, alertée dès le 12 mars, elle n’a pas les moyens d’envoyer des secours à la Roche.
  C’est donc le début d’une guerre civile de plusieurs années avec comme point de départ dans notre région, la prise de la Roche-sur-Yon par les révoltés. Que s’y est-il donc passé ?
 

     La prise de la Roche-sur-Yon (14 mars 1793)

        
  Les paysans des paroisses environnantes ont, comme dans le reste de la Vendée insurgée, choisi leurs propres chefs afin de les guider et les mener lors d'éventuels combats. Au Tablier, les habitants se sont portés au-devant d’un petit noble, SAINT-PAL, qui les a suivis à son corps défendant. Dans une lettre adressée aux officiers municipaux et au commandant de la force armée de Mareuil-sur-Lay, il déclare :

« Les troupes qui se sont révoltées contre la Constitution républicaine sont venues me saisir chez moi et m’ont conduit à la Roche où elles m’ont créé leur commandant en cette partie (…)»

  Chouppes et Bulkeley ont été choisis respectivement par les insurgés de la Ferrière et de Saint-André-d'Ornay. Ces trois dirigeants ont mené avec d'autres chefs de paroisses, la prise du chef-lieu de district le 14 mars. Combien sont-ils à les suivre ? D’après le témoignage d'un habitant de La Roche-Sur-Yon, ils auraient été

« plus de mille venus du Poiré-sur-Vie, Aizenay, Venansault, Saint-André, Le Bourg-sous-la-Roche et autres lieux ».

La méfiance est bien-sûr de rigueur quant aux chiffres avancés : il est impossible de connaître exactement le nombre, souvent fluctuant, de révoltés, même si certaines paroisses ont laissé des listes nominales comme Les Clouzeaux ou Fougeré.
   À l’approche des révoltés, les administrateurs du district fuient à Mareuil-sur-Lay et la garde nationale se replie sur les Sables-d’Olonne.


Le château de Mareuil-sur-Lay
(croquis extrait du livre du Comte E. de Monbail, Notes et croquis sur la Vendée, 1848)

  La ville est occupée par les insurgés sans coup férir. L’arbre de la liberté est abattu quelques jours plus tard, premier d’une longue série. Le drapeau blanc de la royauté est accroché sur l’horloge de la commune, située sur l’actuelle place de la Vieille Horloge et aujourd’hui disparue. Et, toujours selon le même témoignage, des maisons sont pillées.
   


Place de la Vieille Horloge à la Roche-sur-Yon
(carte postale extraite du site internet des archives de la Roche-sur-Yon)


  Le district est également pillé et les papiers administratifs, comme probablement la liste des personnes liées au tirage au sort, sont incendiés ou seront utilisés par certains soldats vendéens, lors de la seconde bataille des Sables-d’Olonne, pour se protéger le torse, sorte de gilet par balle avant l’heure ! Aucun massacre n’est à déplorer à la Roche-sur-Yon bien que certains révoltés souhaitaient tuer des Républicains qui n’ont pas pu fuir. Chouppes et Bulkeley ont tout fait pour les en dissuader. Saint-Pal semble avoir également empêché les débordements. Il écrit dans sa lettre déjà citée :

« Mon intention n’est certainement pas de faire couler le sang, au contraire je désirerai toujours de pacifier les esprits contre une loi qui les afflige, et les prisonniers qui ont été faits et se feront sous mes ordres seront traités sans rigueur. »

  Quel est l’objectif des insurgés et de quoi sont-ils armés ? L’interrogatoire du messager de Saint-Pal qui a transmis cette lettre aux autorités de Mareuil, nous donne la réponse :

« Interrogé quels sont les projets des révoltés, a répondu qu’ils avaient envie de couper le cou aux bourgeois, de remettre un roi sur le trône et les prêtres en leurs fonctions. Interrogé où ils avaient envie de se porter et s’ils étaient armés, a répondu qu’ils se portaient une partie sur la Ferrière et l’autre sur la Mothe-Achard et que plus de la moitié étaient armés de fusils et l’autre de fourches, serpes et bâtons et que de là ils devaient se porter une partie aux Sables et l’autre aux Essarts. »


La cité Travot à la Roche-sur-Yon, emplacement de l’ancien château médiéval dominant l’Yon.
Au 1er plan, les restes des murailles
(photo GoogleEarth).

À partir du 14 mars 1793 jusqu’au 23 août 1793, date de la reprise de la ville par l’armée républicaine, la Roche-sur-Yon est sous les ordres de Chouppes et Bulkeley. Comprenant toute l’importance militaire de cette position avec son château dominant l’Yon, ils établissent un camp avec en permanence 300 hommes armés de fusils, de piques ou de fourches. Les paroisses voisines doivent par roulement fournir un certain nombre d’hommes pour en assurer la garde.
Les chefs royalistes de chaque paroisse autour de ce camp sont en théorie sous les ordres des “commandants généraux de l’armée catholique et royale campée à la Roche-sur-Yon” Une partie de leur correspondance nous est parvenue et nous éclairera sur les événements et le vécu de la population pendant une partie du conflit. Elle se trouve dans la Collection Dugast-Matifeux, à la médiathèque de Nantes. Quelle est donc la réaction des autorités républicaines à Bournezeau en ce début de mars 1793 ? 

     La situation à Bournezeau en mars 1793

        
        
  Également alerté par les autorités de la Roche-sur-Yon dès le 13 mars 1793, la municipalité de Bournezeau tente de leur apporter de l’aide. Une nouvelle fois nous savons ce qui s’est passé grâce au témoignage de l’ancien maire de Bournezeau, Joachim Allaire, que nous avons déjà cité dans les articles précédents :

   « Ce jour-là, 13 mars dernier, nous reçûmes des ordres du district pour y envoyer de la force armée afin de défendre le district menacé par les brigands. Sur le champ, on y envoya 40 hommes et le maire avec eux. La municipalité se tint aussitôt en permanence, écrivit à Chantonnay et à Luçon afin d’avoir des forces, mais ils étaient dans le même embarras que nous.
   Nous requîmes une forte garde, dont Loyau fut commandé, parce que lorsque la patrie est en danger, chaque individu doit payer de sa personne sinon d’exemple. Il ne daigna pas se montrer. Il se fit remplacer par un mendiant sans aveux nommé Baranger à qui nous avions dit plusieurs fois de sortir de notre commune.

   Le soir arrive. Entre 8 et 9 heures le maire, nommé Juchault, [revient] du district [et] rencontre le corps de garde, [en disant] que nos frères reviennent chacun de leur côté, que la Roche étant prise, il faut se sauver, n’étant pas de force pour se battre.

   Sur le champ il y eut 4 de mes amis qui vinrent m’avertir et me tinrent le même langage. J’étais prêt à souper, mais cela m’ôta l’idée de manger ainsi que bien d’autres choses.

  


   Le corps de garde était basé, d’après un document de 1799, dans le château de Bournezeau, aujourd’hui disparu
(dessin d’A. Seguin).

   De suite, je fus chez Loyau comme juge de paix et moi [comme] premier assesseur. Je rencontrai chemin faisant le maire qui me demanda où j’allais. Je lui répondis que j’étais fort surpris de sa façon de faire, que j’avais travaillé toute la journée à requérir une forte garde et qu’en bien peu de temps il les avait fait tous dissiper par l’épouvante qu’il avait jeté dans le corps de garde. Il me répondit sur cela qu’il venait me prévenir de me sauver. Sur cela nous entrâmes chez Loyau et je lui dis « Partons », après lui avoir fait part de ce qu’on venait de m’apprendre. Il me répondit que j’avais qu’à partir, qu’il voulait souper et que cela ne l’empêcherait pas de le faire tranquillement ; d’ailleurs que si les brigands venaient, il était assuré qu’ils ne lui feraient aucun mal. Sa femme répéta d’un air satisfait : « Partez Messieurs », mot qui ne peut sortir que de la bouche d’une aristocrate : « Bon voyage ».
   Sur cela nous sortîmes et montâmes à cheval et sans réflexion je n’ai emporté aucun papier, enfin pour ainsi dire rien parce que je comptais retourner au premier jour. Je m’imaginais que c’était des révoltes occasionnées par le recrutement et que cela serait bientôt apaisé par les forces des gardes nationales. »

    
  Allaire  comprend bien que le tirage au sort  est l’élément déclencheur de la révolte. Les gardes nationales ne peuvent pas la dissiper par manque d’expérience et de préparation. C’est le début d’une guerre civile de plusieurs années avec comme point de départ dans notre région, la prise de la Roche-sur-Yon par les révoltés.
  Les plus engagés des républicains de Bournezeau, inquiets de la tournure des événements, s’enfuient de chez eux pour se réfugier dans une zone plus sécurisée, au sud de la rivière du Lay. Nous savons par exemple qu’Allaire se réfugie à la Rochelle. En revanche, les opposants au nouveau régime ne semblent pas affectés par la révolte en cours à l’image de Jean-Pierre Loyau qui va prendre les rênes de la municipalité de Bournezeau jusqu’au mois d’août 1793.
  À la fin du mois de mars, une grande partie du district de la Roche-sur-Yon est insurgée. Seul, le canton de Mareuil-sur-Lay et quelques paroisses au sud du district, comme Sainte-Pexine, dans le canton de Bournezeau, restent aux mains des Républicains. Rappelons que le district est composé de 9 cantons : les cantons d'Aizenay, Belleville-sur-Vie, Bournezeau, les Essarts, la Chaize-le-Vicomte, Mareuil-sur-Lay, le Poiré-sur-Vie, le Tablier et la Roche-sur-Yon. La paroisse de Bournezeau ne semble pas s’être insurgée en ce début de mars 1793 car il n’existe aucune source qui pourrait montrer que des habitants aient participé à la prise de la Roche-sur-Yon le 14 mars 1793, ni à la première véritable bataille qui a vu la victoire des insurgés (ou Vendéens) sur les Républicains au nord de Chantonnay le 19 mars 1793.
   


Plaque commémorant la 1ère victoire vendéenne entre Saint-Vincent-Sterlanges et l’Oie
lors de la bataille de Gravereau le 19 mars 1793

   
  Rapidement les insurgés s’organisent dans chaque paroisse. Le 24 mars 1793, les paroisses insurgées autour des Sables-d’Olonne, sous les ordres de Joly, tentent en vain de prendre la ville portuaire. Le 29 mars une seconde tentative échoue. Là encore, aucun habitant de Bournezeau ne semble y avoir pris part. En effet, aucun révolté fait prisonnier après ces 2 combats n’est originaire de la paroisse.
  Conscients que ce mouvement insurrectionnel peut durer, les chefs vendéens établissent une organisation politique et militaire sur le territoire insurgé dans lequel Bournezeau est englobé dans des conditions particulières.

     Organisation politique et militaire de Bournezeau (avril 1793)


Louis Sapinaud de la Verrie,né en 1739 à Saint-Hilaire-de-Mortagne
et mort au combat le 25 juillet 1793 au Pont-Charrault, près deChantonnay
(photo Internet)

                     Le 4 avril 1793, à l’Oie, s’organise une armée dite “Armée du Centre” avec à sa tête Royrand et Sapinaud de la Verrie.
  Elle regroupe dans un premier temps les paroisses des environs des Essarts, de Montaigu, de la Verrie et de Mortagne-sur-Sèvre. Dans un second temps, elle intègre l’armée du camp de la Roche-sur-Yon : Chouppes et Bulkeley sont donc théoriquement sous les ordres de Royrand et de Sapinaud. Un règlement en plusieurs articles est établi pour organiser politiquement et militairement l’ensemble du territoire insurgé :

« -Article 1 : Il sera formé dans chaque paroisse un conseil qui sera composé à raison de sa population, lequel conseil ne pourra être composé de moins de trois membres et pas plus de neuf (…)

-Article 2 : Seront élus par acclamation. Ne seront pas nommés ceux qui ont eu une mauvaise attitude.

-Article 3 : Le Président du Conseil élu par acclamation par les membres du Conseil et sera commandant de la force armée.

- Article 4 : Conseil avec tous les pouvoirs.

-Article 5 : Les Conseils s’occuperont premièrement de connaître l’état de leur force armée, des armes et ressources (blé, vin, bestiaux).

-Article 6 : Dans chaque paroisse, une maison d’arrêt. Le prisonnier sera nourri à ses frais, sinon par la paroisse s’il prouve son impossibilité (…)

-Article 8 : Pouvoir militaire exclusivement aux mains des généraux ou subalternes.

-Article 9 : Nul homme ne pourra prendre le titre de général ou commandant d’armée, ni déclaré chef d’arme ou de troupe sans le consentement des généraux avoués et reconnus (…)

-Article 11 : Les Conseils de paroisse qui n’auront pas les vivres nécessaires en denrées seront autorisés à s’adresser au Conseil des autres paroisses pour s’en procurer au prix courant (…)

Fait au camp de l'Oie, le 4 avril 1793, l'an Ier du règne de Louis XVII, Roi très chrétien. »


La Vendée militaire (en clair) englobant l’Armée du Centre (en foncé)
(site internet vendée-chouannerie.com)

   
  À Bournezeau, la mise en place d’une telle organisation ne semble pas avoir été aisée pour des raisons qui sont évoquées dans deux lettres émanant de chefs vendéens. La première est écrite par Bulkeley le 5 avril 1793 et destinée à Joly qui commande la région comprise entre les Sables-d’Olonne et la Mothe-Achard :

   « Monsieur, J’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint une lettre que je viens de recevoir du détachement que nous envoyâmes hier à Bournezeau à la raison, ce qui a [été] effectué.
   J’ai ordonné au détachement de rentrer en lui recommandant d’organiser comme partout ailleurs et de prier M. De Verteuil [chef vendéen à l’Oie et adjoint de Royrand] d’y envoyer un détachement pour occuper le château étant à portée et cette place étant une bonne position militaire, surtout son armée étant plus forte que la nôtre (…) À la rentrée du détachement de Bournezeau nous aurions envie de faire marcher sur Mareuil (…) »

Le chef vendéen Joly aux Quatre-Chemins de l’Oie en décembre 1793,
gravure de Thomas Drake (site internet chemins-secrets.eklablog.com)


   La seconde lettre est très intéressante et complète la première. Elle est l’œuvre de Micheau, chef vendéen à la Chaize-le-Vicomte et dont une partie de la famille est de Bournezeau. Elle est adressée à Bulkeley et à Chouppes. Elle est datée du 5 ou 6 avril 1793 et probablement écrite de l’Oie :

« Messieurs, Hier au soir je passais dans les paroisses de Saint-Martin et de Saint-Hilaire où on va à l’instant donner le tocsin pour rassembler du monde
(…)
à Bournezeau où je viens d’apprendre que Cautereau s’est mis à la tête de plusieurs habitants qui se sont réunis pour se garder quoiqu’on leur a enlevé toutes leurs armes ; c’est pourquoi je vous prie d’après l’avis de M. De Verteuil lui-même de m’envoyer un détachement de 20 hommes seulement armés. Si le détachement du Bourg [sous-la-Roche] veut venir ou tout autre, je les y engage.

M. De Verteuil me donne 2 hommes pour faire sonner la cloche et réunir à Bournezeau les habitants des paroisses de Fougeré, Saint-Martin et Saint-Hilaire. Il ne peut descendre lui-même à Bournezeau avec un fort détachement que lundi prochain et il est urgent de ne pas abandonner le château de Bournezeau (…) parce que alors nous laisserons Bournezeau bien organisé. Ne perdez pas de vue Messieurs que vous avez enlevé à Bournezeau ses fusils et qu’il est donc bien juste que vous ne l’abandonniez pas avant lundi. Je suis dans ce moment informé (…) qu’un homme de Sainte-Hermine arrêté a annoncé qu’il y a bien peu de monde de l’autre côté du Lay. Ainsi n’ayez donc aucune crainte si Bournezeau se rallie comme je me le persuade car aujourd’hui il sent qu’il y est autorisé (…) »

  Que nous apprennent ces lettres ? Bien que les Républicains les plus engagés de Bournezeau aient fui dès le 14 mars 1793, la paroisse est regardée comme républicaine parce qu’elle ne semble pas s’être engagée dans la révolte. Aussi Bulkeley et Chouppes ont envoyé un détachement d’hommes pour occuper Bournezeau considérée alors comme un point stratégique important avec son château et la proximité du Lay et de la plaine restée républicaine. Se méfiant de la population, ils ont ordonné un désarmement complet de la paroisse à l’exemple de ce qui s’est passé à la Roche-sur-Yon le 5 avril 1793 :

  « Il est enjoint aux habitants de la Roche de déposer entre les mains du commandant dans l’espace de 24 heures les armes et les munitions de toutes espèces qu’ils peuvent avoir, sous peine d’une exécution militaire. »

   
  Toujours suspicieux, ils souhaitent que le château soit occupé par des renforts extérieurs.
  Une autre lettre plus tardive, en date du 7 juin 1793, émanant du Comité royaliste de Palluau et destinée aux commandants de la Roche-sur-Yon, confirme cette réputation de commune républicaine :

« (…) Nous vous engageons, Messieurs, à être très attentif, à ne pas délivrer trop facilement des passeports pour venir de côté-ci, à des personnes qui viennent du côté de Bournezeau et d’ailleurs où les bleus ont passé beaucoup de temps et [où] ils ont encore des correspondances. »


Signatures de Bulkeley et Chouppes
(Archives départementales de Vendée)


  Pourtant Micheau se veut rassurant quant à la participation de la population de Bournezeau au soulèvement. Pour preuves, il y organise un rassemblement des paroisses voisines et évoque la nomination de Gabriel Cautereau comme capitaine de paroisse en charge d’organiser la garde. Ce dernier est natif de Sainte-Hermine et s’est marié à Bournezeau en 1784. Il exerce alors la profession de charpentier.
  Pour Micheau, la proximité de troupes républicaines du côté de Sainte-Hermine explique l’attitude  prudente de  Bournezeau pendant le mois de mars. Désormais, la menace républicaine s’éloignant depuis leur défaite près de Chantonnay le 19 mars 1793, tout est réuni pour que Bournezeau participe pleinement à l’insurrection vendéenne sous le commandement militaire de Cautereau, du moins dans un premier temps, et la direction politique de Loyau.
  La paroisse est dès lors soumise au règlement de l’Oie du 4 avril dernier et intégrée à l’armée du camp de la Roche-sur-Yon, elle-même englobée dans l’armée du Centre.
        

   Vincent Pérocheau


Sources : 
- Annie Crepin, Défendre la France, 2005. http://books.openedition.org/pur/17206
- C.L. Chassin, Préparation à la guerre de Vendée, 3 tomes (site www.abibnum-vendee.org)
- La levée en masse en Vendée, http://www.histoire-en-questions.fr
- Archives départementales de Vendée, 144J Manuscrits d’André Collinet, en ligne sur le site internet.
- Archives départementales de Vendée, Registres paroissiaux de Bournezeau.
- Archives départementales de Vendée, Délibérations de la commune de Saint-Michel-en-l’Herm.
- Archives départementales de Charente-Maritime : Commission militaire (côte L.1258-1259-1260).
- Collection Dugats-Matifeux (Médiathèque de Nantes) :    Volume 1 - Doc. 22 - 23 - 74 - 87
   Volume 2 - Doc. 92 / Volume 5 - Doc. 36
    Série 2 - n°17 - Vol. 3 - Doc. 5