Bournezeau et la Guerre de Vendée - 6ème partie -

  En ce début de mai 1793, après un mois et demi d’insurrection, quelle est la situation militaire de la Vendée ?
  La Grande Armée catholique et royale parvient à contenir les assauts républicains à l’est en s’emparant de Vezins et Beaupréau, obligeant l’armée républicaine à se replier sur Angers à la fin du mois d’avril.
  À l’ouest, le long de la côte atlantique, les Républicains occupent les Sables-d’Olonne. Ils s’emparent de la Mothe-Achard, quartier général du chef vendéen JOLY. Plus au nord, l’offensive républicaine oblige CHARETTE à abandonner Challans, puis Pornic le 26 avril 1793. Il parvient cependant à repousser les Républicains à Legé le 30 avril.
  Au sud de la Vendée militaire, zone occupée par l’Armée du Centre et délimitée par le Lay, la pression républicaine est aussi importante que sur le littoral. Luçon est la base arrière de l’armée républicaine avec le Port-la-Claye comme verrou stratégique pour permettre les communications entre les Sables-d’Olonne et Luçon. En revanche Chantonnay reste sous le contrôle du chef vendéen SAPINAUD DE LA VERRIE.
  Depuis le 13 ou 14 avril 1793, Mareuil-sur-Lay est occupée par l’armée vendéenne sous les ordres de SAINT-PAL. Ce poste avancé est grandement menacé :
  À l’est, les Moutiers-sur-le-Lay est aux mains des Bleus tout comme Sainte-Hermine ;
  À l’ouest, le Champ-Saint-Père n’est plus contrôlé par les Vendéens.
  En ce début du mois de mai 1793, l’offensive républicaine se prépare avec pour objectif Mareuil-sur-Lay. Conscient du danger, SAINT-PAL ne cesse de demander des renforts.

  Le plan d’attaque de Mareuil-sur-Lay

 
  La documentation sur l’attaque de Mareuil-sur-Lay est bien fournie. Nous avons ainsi la copie conforme du projet dans sa totalité, daté de Fontenay-le-Comte le 1er mai 1793 et approuvé par le représentant du gouvernement.
  Ce projet est à l’initiative du général républicain BEAUFRANCHET D’AYAT. L’objectif est d’encercler Mareuil avec l’aide de 3 colonnes.

 
Préambule du projet d’attaque   (site internet des Archives de Vendée: SHD 5/4-8)

  Grenadiers, chasseurs, cavaliers, pionniers, artilleurs avec 4 canons composent la première colonne qui « partira de Luçon de manière à être rendue sur les hauteurs de Beaulieu [-sur-Mareuil], à 3 heures du matin. Elle ne commencera son attaque par le canon que lorsque les 2 colonnes auront annoncé leur arrivée par une fusée ». Il est précisé que « cette attaque devra se faire le 3 mai à 3 heures du matin. »

  
Conclusion du projet d’attaque (site internet des Archives de Vendée: SHD 5/4-8)

  La deuxième colonne est composée de pionniers, de cavaliers et de fantassins. « Elle partira de Luçon de manière à être rendue à Saint-André [-sur-Mareuil] à 3 heures du matin, passant par le Port-la-Claye, le Champ-Saint-Père, le moulin des Caves appelé Gué Besson, où il sera nécessaire de faire établir un pont, de là, la colonne passera à côté du Follet, de la Sigonnière, de l’Eveillerie, et arrivera à Saint-André derrière lequel la troupe se divisera en 3 parties.
  

  
La marche des colonnes républicaines sur Mareuil-sur-Lay le 3 mai 1793.

  La troisième et dernière colonne « sera composée de toute l’infanterie qui est à Saint-Hermand [aujourd’hui Sainte-Hermine], de 80 cavaliers et de paysans-pionniers. Elle se rendra à 3 heures du matin au bois de la Nicolière en passant sur le pont des Moutiers [-sur-le-Lay]. Le commandant laissera à ce pont une garde à laquelle se réuniront les habitants armés des Moutiers et des environs. »
  Parallèlement, juste avant de lancer l’opération, BEAUFRANCHET D’AYAT prévoit de « faire de fausses attaques au Pont-Charron [près de Chantonnay] pour inquiéter les brigands et leur tuer du monde. »
  L’objectif est clair : prendre en tenaille l’armée de SAINT-PAL sans lui laisser la moindre chance de fuir sur Saint-Florent-des-Bois ou sur Bournezeau.

Les forces en présence

  Les divers rapports républicains rédigés après la bataille parlent de 900 à 1 200 brigands ou Vendéens en poste à Mareuil-sur-Lay lors de l’attaque. Malgré les demandes de renfort réitérées par SAINT-PAL, ils ne devaient pas être aussi nombreux ce 3 mai 1793. D’après une source vendéenne, ils n’étaient que 400 le 22 avril 1793.
  D’où sont originaires ces hommes ? Aucun document ne nous renseigne sur ce point mais si nous suivons l’organisation des armées vendéennes, la garnison qui occupe Mareuil doit se composer de différentes compagnies venant de paroisses voisines. Lors d’un interrogatoire, une habitante de Saint-Florent-des-Bois, prisonnière des Républicains à la Rochelle, déclare le 7 mai 1793 que « les habitants [les hommes] de sa paroisse étaient à Mareuil depuis 3 semaines. » Il est possible que des paroisses comme les Pineaux, Thorigny ou Bournezeau aient envoyées à tour de rôle des compagnies pour la garde de Mareuil. Vers la fin avril, l’armée de la Roche-sur-Yon, commandée par BULKELEY et CHOUPPES, a sans doute envoyé à Mareuil des renforts.
  Du côté républicain, le nombre de soldats n’est pas mentionné mais SAINT-PAL avance le nombre de 1500 soldats rentrés dans Mareuil (les colonnes 1 et 3) et 700 du côté du Gué-Besson (la colonne 2).  Le projet d’attaque cite néanmoins les troupes mobilisées : 1 bataillon, 5 compagnies, au moins 20 gendarmes et 200 cavaliers et toute l’infanterie basée à Sainte-Hermine.
  La prudence est bien sûr de rigueur quant aux chiffres avancés : Chaque camp a intérêt à gonfler le nombre d’ennemis pour se justifier d’une défaite ou valoriser une victoire ou encore demander des renforts et du matériel.  
 

  L’attaque

 
  Le 2 mai 1793, une fausse attaque républicaine est lancée sur le Pont Charron pour « inquiéter les brigands. » La feinte fonctionne car elle empêche tout renfort vendéen sur Mareuil.
  Le lendemain, vendredi 3 mai 1793, à 1 heure du matin, BEAUFRANCHET D’AYAT quitte Luçon avec ses soldats. Il écrit dans son rapport au ministre de la guerre : « La première colonne où j’étais avec l’artillerie se porta de Luçon par le chemin direct sur des hauteurs vis-à-vis de Mareuil et y arriva à 3 heures. »
  La colonne partant de Sainte-Hermine passe le pont des Moutiers-sur-le-Lay, arrive dans le temps imparti au bois de la Nicolière avant d’atteindre Mareuil.
  En revanche, la colonne passant par le Port-le-Claye puis Champ-Saint-Père, se trouve retardée lorsqu’elle arrive au Gué-Besson. Suite à des précipitations, l’Yon déborde et les soldats perdent beaucoup de temps à établir des ponts sur la rivière et permettre le passage des hommes. « D’autres obstacles que les brigands avaient mis ayant coupé des arbres et barré les chemins » ajoutent au retard de la colonne. L’offensive se fait alors sans elle.
  Le représentant du peuple, AUGUIS qui suit la 1ère colonne, décrit l’attaque depuis Beaulieu-sur-Mareuil : « Les canons étaient placés sur la hauteur de Beaulieu. De là nous voyions à découvert les brigands qui étaient devant l’église et du côté du château avec une garde d’observation sur le haut du coteau. Ils étaient, à ce qu’on assure 900 à 1000 ; ils n’ont pas attendu qu’on les attaquât pour fuir.
    Quand on a vu qu’ils s’en allaient, on a tiré quelques coups de canon, et alors ceux qui sortaient pour gagner Bournezeau ont été vus par la colonne de droite, qui a tombé dessus vigoureusement (…) On leur a tué une quarantaine d’hommes et fait 27 prisonniers (…) Toute la troupe s’est bien conduite. »
  NOUVION, chef de brigade de l’état-major, ajoute que des cavaliers n’ont pas hésité à traverser le Lay lors de la retraite des Vendéens et « qu’ils en ont atteint plusieurs qu’ils ont tués ou faits prisonniers. »
  À en croire d’autres rapports républicains, SAINT-PAL a failli être pris par 12 cavaliers. Dans sa fuite il aurait abandonné sa valise contenant des balles en étain et sa correspondance trouvée dans une maison qu’il occupait à Mareuil. 
 

 
La prise de Mareuil-sur-Lay par les armées républicaines le 3 mai 1793

  Bilan et conséquences

 
  L’attaque est un succès pour l’armée républicaine puisqu’elle occupe Mareuil sans avoir perdu aucun homme ni même de blessés. Toutefois, le retard de la colonne de gauche (colonne 2), venant de Port-la-Claye, n’a pas permis l’anéantissement prévu de l’armée de SAINT-PAL. Faute de troupes, BEAUFRANCHET D’AYAT ne poursuit pas son offensive au-delà de Mareuil.
  Côté vendéen, on déplore, selon les sources républicaines, entre 30 et 50 morts et une vingtaine de prisonniers. Critiqué par certains d’avoir abandonné Mareuil, SAINT-PAL se défend : « Ma démarche que je crois ne sera pas la moins glorieuse de ma vie puisqu’elle a sauvé tous les gens que je commandais. Le nombre puissant de mes ennemis sur Mareuil est assez connu pour que je n’affecte pas de tout ce qu’on peut dire à cet égard », d’autant plus que ses hommes ont peu de poudre et peu d’armes ! L’absence de victimes dans ses rangs est cependant plus contestable.
  En effet, si les archives sont muettes sur le sort de ces prisonniers vendéens, nous savons grâce aux actes de justice de paix du canton de Mareuil établis dans les années 1809-1810, qu’un dénommé Pierre CHOBELET « a été tué par les troupes de la République lorsqu’elles entrèrent à Mareuil (…) et qu’il fut tué sous les halles dudit Mareuil. »
   Une deuxième victime, Pierre TOURAY, « a été tué (…) par les troupes de la République dans un champ appelé ?la Folie? situé susdite commune de Mareuil dans les premiers jours de mai 1793. » Ce lieu-dit “la Folie” est tout proche du bois de la Nicolière.
   Sur un plan matériel, la canonnade depuis Beaulieu-sur-Mareuil a « détruit quelques pans et murs de maisons patriotes et un coin de l’église. »
  Autre fait déploré par les autorités patriotes : un pillage en règle est commis par les soldats républicains dès leur entrée dans Mareuil. Avec difficulté ils parviennent à l’arrêter en faisant battre la générale c’est-à-dire l’alarme au son du tambour.


Vue de Mareuil-sur-Lay au début du XXème.

Au 1er plan le poste probable de surveillance des Vendéens. Au second plan l’église et le château.
Au fond à gauche, les hauteurs de Beaulieu.
(site : https://www.ansichtskartenversand.com)
    Enfin ces mêmes autorités critiquent les responsables de l’opération, BEAUFRANCHET D’AYAT et NOUVION, car selon eux le plan d’attaque était connu de tous plusieurs jours auparavant. Cela étant, SAINT-PAL qui sentait l’étau se resserrer, a-t-il eu connaissance de la date de l’offensive ? Nous pouvons en douter car le 2 mai, soit la veille de l’attaque, il écrit aux commandants de la Roche-sur-Yon et à ceux d’Aubigny et de Nesmy pour qu’ils lui envoient des hommes armés non pas pour renforcer la garde de Mareuil mais pour mener une expédition sur le Champ-Saint-Père « et chasser les brigands de cette partie qui viennent d’enlever plusieurs braves gens de Chaillé et qui attaquent à tout instant la garde de Rosnay qui s’est battue aujourd’hui 2 fois avec eux. » Il n’aurait certainement pas préparé cette expédition s’il avait su le moment précis de l’attaque !
  Quoi qu’il en soit une garnison républicaine s’établit à Mareuil-sur-Lay pour contrôler cette zone tampon entre le bocage et la plaine.
    Autre conséquence : la poussée républicaine par le sud inquiète les différents postes vendéens de la région. Ainsi, au Bourg-sous-la-Roche, quelques heures après l’attaque, on s’inquiète de l’arrivée de personnes qui fuient Mareuil et on propose qu’une « bonne garde » se fasse à Saint-Florent-des-Bois où SAINT-PAL s’est replié après la déroute. Lui-même, soucieux de la situation, écrit le 4 mai aux commandants de la Roche-sur-Yon : « Nous ne pouvons vous dissimuler que nous sommes entourés d’ennemis puissants et que leur dessein est de pénétrer le bocage. Nous tiendrons de notre mieux le poste avancé où nous sommes, mais malgré votre envoi de cartouches, nous ne pouvons charger tous les fusils. »
  À la Chaize-le-Vicomte on annonce le 5 mai 1793 que des Républicains de Mareuil auraient été vus à Château-Guibert, au Petit-Poiron (Thorigny) et même à moins de 2 lieues de la Chaize (8 km environ), information ou plutôt rumeur qui inquiète la population et « qui fait que tout le monde de la Chaize est aux portes sans vouloir se coucher. »
  Quelques jours plus tard, ces mêmes responsables envoient un nouveau courrier à la Roche-sur-Yon : « Nous avons ainsi appris que nos ennemis de Mareuil se portent les uns sur Corbaon, les autres sur Bellenoue, Château-Guibert. Ils sont venus, dit-on, jusqu’à une lieue et demie d’ici cherchant à ravager le pays. En conséquence nous serions disposés sauf votre meilleur avis, Messieurs, de nous réunir avec les paroisses de Fougeré et Thorigny pour faire ensemble une revue dans le pays 2 ou 3 fois par semaine pour y chasser nos ennemis. Quand ils sauront que nous parcourons les bocages, ils seront moins hardis de venir y faire des incursions. »
  Le poste de Bournezeau est doublement dans le même état d’inquiétude avec l’occupation de Mareuil au sud et la pression républicaine du côté de Chantonnay. La crainte d’une vaste offensive à partir de ces 2 points d’appui est de plus en plus forte.
  Heureusement les victoires remportées par la Grande Armée catholique et royale sur Bressuire (2 mai) et Thouars (5 mai) obligent les armées républicaines à marquer un temps d’arrêt dans leur offensive.
  La situation se stabilise alors sur le front du Lay en ce mois de mai 1793.
  

Vincent PÉROCHEAU

Sources :      
- Collection DUGATS-MATIFEUX (Médiathèque de Nantes) : Volume 3 - doc.9 // Série 2 - n°17 - Vol.2 - Doc. 14 // Série 2 - n°17 - Vol.2 - Doc. 14 // Volume 3 - Doc. 107 ; Série 2 - n°17 - Vol.2 - Doc. 4 // Série 2 - n°17 - Vol.2 - Doc. 12 // Série 2 - n°17 - Vol.2 - Doc. 14 // Série 2 - n°17 - Vol.3 - Doc. 6.
- Archives départementales de la Charente Maritime : Commission militaire, L1258-1259-1260.
- Site internet des Archives de Vendée : SHD B 5/4-8.
- Archives départementales de Vendée : Juge de Paix, canton de Mareuil-sur-Lay, 4 U 13/9 // 4 U 13/10.
- Chassin, Vendée patriote, Tome 1, pages 255, 257, 259
- A. BILLAUD, 1793 : La guerre dans le bocage vendéen, Éditions du choletais, 1960